Lé can al anciennement connu sous le nom de Bosphore de Thrace,
a près de sept lieues de long, environ vingt milles depuis la pointe
du sérail de Constantinople jusqu’aux îles Cyanées. Il n’a pas deux
milles dans sa plus grande largeur, et il est si étroit dans plusieurs
endroits, que quelques auteurs anciens ont avancé qu’on peut entendre
chanter les oiseaux d’une rive à l’autre, et que deux hommes
peuvent facilement se parler.
Le lendemain de notre arrivée à Buyuk-déré,, le tems étant
très-beau et la mer parfaitement calme ,: nous nous empressâmes
d aller sur la Mer-Noire', afin de parcourir le rivage à quelque
distance de l’embouchure du canal. Nous descendîmes fréquemment
à terre , tant pour reconnaître la côte , que pour observer
les plantes et les diverses productions de la nature qui s’y trouvaient.
Des que nous eûmes dépassé le v illa g e , nous fûmes frappés de
voir sur l’une et l’autre rive , des indices d’un volcan que nous suivîmes
dans une étendue de plusieurs lieues. Nous reconnûmes
partout des roches plus ou moins altérées ou décomposées ; partout
l ’entassement et la confusion attestent l’action dqs feux souterrains
: on aperçoit des jaspes de diverses couleurs , des, cornalines,
des agates et des calcédoines en filons, parmi des porphyres plus
ou moins altérés ; une brèche peu solide, presque décomposée,
formée par des fragmens de trap, aglutinéé par du spath calcaire ;
un joli porphyre à base de roche de trap verdâtre, coloré par du
cuivre ; on voit enfin dans une. étendue de plus de demi-lieue, une
roche dure de trap d’un bleu verdâtre, également colorée par du
cuivre.
C’est cette dernière sans doute qui a fait donner par, les anciens
le nom d'île s Cyanées à quelques îlots qui se trouvaient à, l'embouchure
du canal, près la côte d’Europe. Cerne,sont plus aujourd’hui
que de très-petits rochers ; Ce qui porte à croire que leur
volume a diminué par l ’action constante des eaux qui les ont
rongés et minés peu à peu- Ces rochers furent aussi nommés sym-
plégades , parce qu’ils paraissaient réunis; ou joints ensemble-,
suivant le point d’où on les considérait.: Comme ils sont plus ou
moins apparens , suivant que le, vgnt,de nord pu.de sud élève ou
abaisse les eaux dois cette partie, les Grecs,,..tonjoqrs portég au
meryeillbux , ont supposé; q.ue ces îles ptaigptflpt^^J^pt/infini?
ment dangereuses pour les nautoniers mal- avisés ou trop peu
.attentifs.. .'-..¡ufiijrn, -.;'! n-orr 1 ÉÉËËi I ! »! ÎHÉÉÉÉ i
. Les Romains; élevèrent sur un de ces rochers un autel à,Apollon,
que l’on nomme mal à propos à , Çopstantinople la | Çpjpnnp.tfe
Pompée. Plusieurs,voyageurs ont faipdes efforts pour Erg Tipscrip-
tion latine qui,s’y trouve 3 mais.^es.Jettrgs sont actuellement gi
effacées, qu’d est difficile, peut-être même impossible; d’en venir
à bout. . . . .. .
Nous n’eûmes pas le tems de voir si les indices du volcan s’étendent
à une grande distance en Asie , parce que vers les dix à
onze heures du matin le vent souffla de la partie du nord et rendit
la mer très-houleuse : il eût-été imprudent, sur un faible caïque ,
de traverser de la pointe d’Europe, où nous étions, à celle d’Asie.
Nous nous contentâmes de côtoyer quelque tems le rivage européen
, et de nous assurer que lés indices du volcan s’étendent de
ce côté à plus d’une lieue. -
La largeur du canal, à son embouchure , est de dix-huit à dix-
neuf cents toises. L ’entrée est défendue , de chaque côté , par
quelques fortifications élevées par le baron de T o tt , e t augmentées
depuis peu par des ingénieurs français. Les Turcs, par ignorance ,
par une influence étrangère ou par des motifs d’économie, se sont
toujours opposés à l ’exécution des plans que les ingénieurs leur
présentaient, quoiqu’il fût bien important pour eux.d’ôter à leurs
ennemis naturels les moyens de venir les inquiéter jusque dans leur
capitale. En effet, il serait très-facile aux Russes, dans ce moment
, de pénétrer dans le canal avec un vent de nord , et de
s’avaneer jusqu’à Constantinople, parce que les batteries étant peu
nombreuses et à découvert , elles seraient bientôt démontées par
le feu d’un vaisseau. Une escadre d’ailleurs en serait quitte pour
recevoir quelques boulets, si les canoniers turcs étaient plus adroits ,
plus exercés et plus actifs qu’ils ne sont.
A quelque distance de ces fortifications, il y a en Europe et en