de la capitale, d’où il se répandit en nn moment dans les provinces
les plus éloignées. La pelisse est devenue partout l’aliment du
lu xe, 1 indice de l’opulence, la récompense des services, un besoin
pressant pour tous. Dans les contrées où le froid ne se fait jamais
vivement sentir, comme en É gypte, en Arabie, ainsi que dans les
villes les plus septentrionales de la Tu rqu ie, telles que Constantinople
, Andrinople et Belgrade, cet usage est général, non-
seulement parmi les personnes riches et celles qui jouissent d’une
fortune médiocre, mais encoie parmi les indigens.
L homme riche porte à la fois deux ou trois fourrures pendant
1 hiver; il en change dans toutes les saisons, et pendant l’été on le
voit encore vêtu de la serge d’Angora, doublée de petit-gris. Si
l ’habitant des campagnes ne peut se procurer une peau fine et
étrangère, il use du moins de celles qui lui tombent sous la main :
le lièvre, le chacal, l’agneau, le mouton, tout est bon pour lu i;
il se garantit du froid et il imite les habitans des villes.
Les femmes ont aussi des fourrures de toutes les saisons le
renard noir , le samour ou la zibeline pour l’h iv e r , le petit-gris
pour 1 automne et le printems, l’hermine pour l’été : la plupart
ont dans leurs armoires dix ou douze robes fourrées, dont la plus
chère excède quelquefois quinze ou vingt mille francs.
Il n’est pas surprenant que les incendies soient très-fréquens à
Constantinople, lorsqu’il y a continuellement du fe u , pendant
l ’h iver, sur des planchers de'bois,, à portéé des sofas, des nattes
et des tapis. La moindre négligence, des enfans qui jouent,
quelques étincelles auxquelles on ne fait pas attention, mettent
souvent le feu à ces matières combustibles ; et s’il arrive alors
qu on s endorme ou qu on s’absente de la maison, le feu se communique
peu à peu des meubles au plancher ; si l’on tarde à s’en
apercevoir, il se manifeste bientôt avec fo r ce , se propage avec
rapidité, gagne les maisons voisines, et parvient quelquefois à
consumer Bans peu de tems une portion considérable de la ville.
Du palais de 1 ambassade et des lieux élevés de P éra, nous avons été
témoins, plus d une fois, de la violence du feu , de la promptitude
avec laquelle il se répand, et des effets terribles qu’il produit.
Ce spectacle, tout beau, tout imposant qu’il est, fait horreur à
l’homme sensible qui veut le contempler, parce qu’il présente
l ’image des malheureux q u i, dans ces momens affreux, luttent
contre la mort; de ceux q u i, saisis d’épouvante, cherchent à se
sauver avec leurs effets précieux ; de ceux enfin qui s’efforcent, au
milieu des flammes, d’emporter des enfans ou des vieillards qui
leur sont chers.
Lorsqu’un incendie se manifeste, soit de jou r , soit de nuit,
tous les habitans de la ville sont bientôt prévenus de veiller h
leur sûreté, ou de porter du secours aux malheureux auxquels ils
s’intéressent. La garde de tous les quartiers parcourt les ru e s ,
traînant sur le pavé des bâtons ferrés , et criant de tems en tems
d’une voix sombre et lugubre : I l y a le fe u . Deux énormes
tambours, placés l’un sur une tour élevée vers le milieu de Constantinople
, et l ’autre sur celle de Galata, avertissent également les
habitans de la présence du feu. Dans ces circonstances, le chef des
janissaires doit accourir sur le champ avec une garde nombreuse
à l’endroit où le feu s’est manifesté : le grand-visir doit s’y rendre
en personne, et si le feu n’est éteint sur le champ, le sultan ne
manque jamais d’y venir, et de faire distribuer de l ’argent pour
exciter les pompiers, les porte-faix, la garde et les passans à travailler
avec ardeur. Mais lorsque l ’incendie a fait des progrès et
qu’il est surtout activé par le "vent, on ne peut espérer de l’éteindre
qu’en tâchant de le circonscrire : pour y parvenir, on démolit le
plus promptement qu’il est possible les maisons voisines qui sont
encore intactes : on déblaie les matériaux avant que le feu y soit
parvenu, et on inonde ceux qu’on ne peut enlever.
Les dommages que le feu occasione sont bientôt réparés : peu
de jours après l ’incendie, on voit s’élever de toutes parts des
maisons semblables à celles q u e 1 le feu a consumées : les défectuosités
que présentaient des rues étroites et mal percées sont
exactement conservées ; rien n’est changé dans l ’ordre et la distribution
des appartemens. Le Musulman vient y reprendre, s’iLle
peut, ses anciennes occupations, et y vivre, comme auparavant,
sans regrets et sans prévoyance.
Chez ce peuple ignorant et féroce, l’incendie est souvent un