Il est nécèssaire de purger de téms en tems lorsque la maladie se
prolonge, et que'le malade commence à être tuieux, et de soutenir
les forces par des bouillons de viande, et même par une
légère nourriture plus substantièle. Dans les premiers jours, au
contraire, on neydoit permettre que des crèmes légères de r iz ,
d’orge on de gruau : on fera prendre une tisane d’orge et de racine
de réglisse, à laquelle on ajoutera, suivant.les circonstances,
un peu de nitre.
Le traitement établi par les gens du pays, consiste à donner
( excepté aux Musulmans scrupuleux.) des liqueurs spiritueuses,
telles que l’eau-de-vie , dans l’intention de pousser au dehors le
venin et provoquer la sortie d’un bubon. On fait prendre ensuite
de l ’urine d’une personne saine, dans laquelle on exprime ;le jus
de deux ou trois citrons. On donne aussi le suc exprimé du persil :
ce dernier est regardé par les médecins juifs, comme un des
meilleurs remèdes contre la peste. On prescrit aussi des opiats,
dans la composition desquels il entre, parmi des Cordiaux et des
toniques divers, le musc, l ’ambre et surtout le bézoard animal.
Lorsque le bubon paraît, on y applique un emplâtre fait avec un
jaune d’oeuf, le vert-de-gris ou l’alun réduit en poudre.
L ’a il, l’oignon, le vinaigre, et surtout l ’eau-de-vie, sont regardés
par.les Grecs, les Arméniens et les Juifs, comme les préservatifs
de la peste. La plupart d’entr’eux tiennent dans leurs mains du
labdanum'.(1), substance aromatique que la chaleur ramollit , et
rend pins odorante : ils la tournent et la retournent dans tous les
sens entre les- doigts, et la flairent de tems en temsj èt surtout
lorsqu’ils craignent quelques émanations dangereuses. Quelques-uns.
portent, dans la même v u e , du musc, de l’ambre gris ou du
camphre.
Personne ne doute dans le Levant, qu’on ne puisse avoir plusieurs
fois la peste : l’opinion des médecins, à ce sujet, est
parfaitement conforme à celle du public, et j’ai vu moi-même
(0 Le labdanum est extrait d’une espèce de ciste , et récolté dans la Grèce,
dans les lies de l’Archipel, en Crète et à Chypre.
sur plusieurs personnes la cicatrice de deux ou trois bubons qui
les avaient sauvées autant 4c fois- L ’observation prouve tous les
jours en Turquie, que la peste attaque indifféremment celui qui
en a échappé une ou plusieurs fois, et celui qui ne l’a jamais eue ;
ainsi, la proposition faite par quelques médecins d’inoculer cette
maladie, comme on inocule la petite vérole, est pour le moins
ridicule : il serait bien plus raisonnable de proposer les moyens de
la faire disparaître de l’Empire othoman et de la Barbarie, comme
on l ’a fait disparaître des États policés de l ’Europe.
On a souvent remarqué à Constantinople, que les animaux domestiques
n’étaient point exempts de la peste. Ils sont à la vérité
moins susceptibles que l ’homme d’en être attaqués, et ce n’est
guère que dans les années où la maladie se montre avec toute son
intensité, qu’elle fait des ravages parmi eux. Plusieurs personnes
instruites m’ont assuré que les chiens, dans tous les cas, échappaient
en plus grand nombre que l’homme à cette maladie, et
qu’ils avaient, comme lu i , des bubons dont la suppuration était
pins ou moins abondante. -
Il serait bien important sans doute de rechercher l ’origine de
cette maladie, d’observer la nature de son venin, et d’expliquer
pourquoi, étant si contagieuse, si prompte et si terrible, elle n’est
point transmise par l’air, et ne peut se communiquer sans le contact
immédiat d’une personne malade ou d’ùn objet touché par elle. Il
serait intéressant de connaître quels sont les objets susceptibles ou
non de transmettre ce venin, et combien de tems il peut se conserver
; quel est le degré de froid ou de chaud qui le fait disparaître ;
quelles sont les substances qui peuvent en garantir, et jusqu’à quel
point elles peuvent le faire. Il résulterait peut-être de ces recherches
, que ce virus est analogue à celui de la galle, de la vérole,,
de la rage et de toutes les maladies qui, dans l’homme et les animaux
, ne sont contagieuses que par. un contact immédiat; et alors
il serait possible qu’on trouvât parmi les préparations des métaux
et des demi-métaux, sinon le spécifique de la peste, du moins un
remède qui pût la guérir dans plusieurs cas.