production : exempts des corvées générales, ils sont obligés seulement
de transporter le mastic à la ville, et de fournir des montures
et des bêtes de charge à cet aga, lorsqu’il parcourt les village®
pour le ramasser.
Nous avons eu occasion de voir l ’aga dans sa tournée : précédé
d’une musique militaire, suivi de plusieurs tchocadars et entouré
d’un grand nombre de villageois empressés à le servir , nous
l ’aurions, pris bien plutôt pour un commandant militaire que pour
un simple fermier, si nous n’avions été prévenus d ’avance. Gomme
envoyés de la République, il nous reçut avec beaucoup d’égards ,
nous fit présent de quelques livres du plus beau mastic qu’il e u t ,
et nous donna des lettres pour les chefs des villages où nous
devions nous rendre. Nous avons obtenu partout, au moyen de
ces lettres, des logemens commodes, les alimens que npus demandions
et les montures dont nous avions besoin.
Un des plus beaux privilèges des Sciotes, celui qui sert de digue
au torrent des injustices judiciaires des Turos , c’est d’avoir des
notaires de leur religion, dont les actes , en idiôme grec , sont
respectés des Turcs et reçus A leur tribunal comme pièces authentiques.
Les Catholiques romains en ont un qui prend le titre de
notaire apostolique. Les Grecs, infiniment plus nombreux, en ont
plusieurs.
Après ce privilège, le plus grand de tou s, est celui de nommer
parmi eux cinq primats, dont les fonctions consistent à défendre
avec fermeté la validité de ces actes , à connaître et juger 'toutes
les affaires contentieuses de l ’île , quant au civil, qui les concerne.
Les matières criminelles ne sont pas de la compétence de ces
primats 5 cependant, comme la vindicte publique leur appartient,
ils reçoivent les déclarations des plaignans, défèrent le coupable au
gouvernement, e t poursuivent son jugement au tribunal .turc-
La répartition >et la levée des impôts sont commises à leurs
soins : ils en versent le montant dans la caisse du muhassil, sans
aucune autre retenue que les honoraires ¿des collecteurs. Ils sont
nommés pour un an seulement, à la .pluralité des v o ix , dans
une assemblée générale convoquée à cet effet. Trois de ces
primats sont pris parmi les Grecs, et deux parmi les Catholiques
romains.
O11 nomme en même tems les protom astosi, espèce de juges-
consuls, dont les fonctions consistent à prendre connaissance de
toutes les affaires litigieuses relatives aux achats et ventes , aux
manufactures , et en général à tout ce qui a rapport au commerce
intérieur et extérieur de l ’île. Ils empêchent les contraventions,
les contrebandes : ils sévissent contre ceux q u i, pour épargner le
droit de marque, n’ont point fait mettre le sceau du gouverneur
aux étoffés et toileries qu’ils veulent faire passer à l ’étranger. Dans
tous les cas leur sentence est exécutoire sans appel : mais dans le
dernier, le muhassil exige du délinquant, outre la confiscation de
la pièce non marquée, une somme d’argent proportionnée à la
valeur des marchandises qu’il voulait soustraire au droit.
Cette juridiction municipale , très - respectée des T u r c s , est
composée de trois Grecs et d’un Catholique romain : elle est
annuelle, plus souvent biennale, et n’est jamais confiée qu’à des
négocians qui joignent à des connaissances du commerce , une
réputation non équivoque de probité.
Les hahitans de Scio ont aussi le privilège d’élire chaque année
deux intendans de santé, dont ils augmentent le nombre en cas de
peste. Leur pouvoir s’étend à cet égard sur tout ce qui habite ou
aborde dans l ’î le , à l’exception des Turcs et des Francs. II leur
est permis d’interdire à un village pestiféré toute communication
avec la ville, en lui fournissant néanmoins les provisions et tous
les secours que l’humanité réclame en pareil cas. Mais aussi,
malheur au cultivateur q u i, par l’appât du gain ou tout autre
motif, franchirait les limites que l ’intérêt de tous a tracées î II serait
arrêté et subirait une cruelle bastonnade.
Ces intendans ne permettent pas qu’un bateau suspect entre dans
le port ; ils l’obligent à rester en rade, s’informent fréquemment de
la santé de l ’équipage, e t s’il y a quelque matelot frappé de la
peste, ils le font transporter au la2aret. L ’un d’eux le précède armé
d’un bâton, toujours prêt à frapper celui qui ne s’éloignerait pas
au mot à?alarga, prononcé d'une voix forte.