Othman, déjà maître de presque toute la Bithynie, avait tenté
en vain de soumettre Pruse et .Ghemlek ' ;, Orchan son fils obtint
la première, sans répandre de sang., et la seconde après un an
de siège.
I i Les navires et les bateaux qui font le commerce de Pruse, se
rendent presque toujours à Mundania, petite ville située au milieu
du golfe, sur les ruines de M yrlea ou Apamea : il est rare qu’ils
viennent a Gliemlek, attendu que le mouillage de Mundania e.st
tr è s -b o n , que les communications entr’elle et Pruse sont plus
aisées, plus fréquentes, et que là distance en est moindre.
Le premier nivôse, au lever du soleil , le' vent étant à l ’est-
nord-est , nous levâmes l’ancre , et fîmes route pour .notre destination.
Nous dépassâmes avant la nuit la petite île de Calo-Limno,
vulgairement, connue Sous.le nom ( 1 ’ ilc du p a p e : elle est peu élevée,
presque plate, assez fertile à ce qu’on nous-a d it, et habitée seulement
par des Grecs. C est l’ancienne B esb ico s, située à trois lieues
de la cô te , en face du fleuve R hyndacus, nommé aujourd’hui
M ika lltza .
Le vent renforça un peu et devint nord-est au coucher du soleil.
A trois ou quatre heures du matin l.e capitaine, ayant jugé
avoir dépassé l ’île de Marmara, fit mettre à la cape pour ne pas
entrer de nuit dans le canal. N.ous nous trouvâmes effectivement
au point du jour au nord-ouest de cette île , à deux lieues de l’îlot
de Gaidoura.
Marmara a, reçu son nom d’un marbre blanc, un peu veiné de
gris et de : bleuâtre, qu’on y exploite en grande quantité. Quoiqué
son grain ne soit pas fin ni les couleurs belles et mélangées, les
Grecs néanmoins l’estimaient autrefois et s’en servaient fréquemment
: ils le désignaient sous le nom de marbre de Cysique, parce
que cette presqu’île en fournissait peut-être de la même qualité,
ou parce que la ville du même nom lui servait d’entrepôt. On en
trouve des fragmens sur les ruines de presque toutes les villes anciennes
: on en voit dès colonnes en divers endroits, et notamment
dans les mosquées de Constantinople. On n ’exploite aujourd’hui ce
marbre que pour les pierres sépulcrales dont se servent les Turcs,
les Arméniens et les Européens : il est rare qu’on l’emploie dans
la construction des maisons.
■ Cette île a environ douze lieues de circuit : elle est élevée, montagneuse
, assez fertile ; elle contient plusieurs villes ou villages
assez peuplés : elle a.deux ports peu étendus, situés au sud. Les
navires surpris par un vent de nord un peu trop fo r t, vont quelquefois
y chercher un asyle. Les habitans ont quelques troupeaux
de moutons ; ils cultivent la vigne, l’olivier, le coton, et recueillent
divers grains. *
Marmara portait autrefois les noms de Nevris, &'Elaphonnesus
et de Proconnesus (1), à cause de la quantité de cerfs qui s’y trouvaient.
Je crois qu’il n’en existe plus aujourd’h u i, que les bois sont
détruits et que lès montagnes sont presque nues.
| En entrant dans le canal, nous portâmes avec plaisir nos regards
sur la côte d’Europè : nous remarquâmes une montagne parallèle
au rivage, peu distante de la mer; nous vîmes un terrain fertile,
assez bien cultivé. La côte d’Asie fixa davantage notre attention :
elle est plate, marécageuse jusqu’au-delà du Granique, extrêmement
fertile dans les lieux qui ne sont pas inondés : les montagnes
■que l’on découvre à quelque, distance, sont très-boisées, plus élevées
que celles d’Europe. Nous contemplâmes long - tems le mont
Olympe entièrement couvert de neige, et nous fîmes nos adieux à
Constantinople , à la Propontide, à Cysique que nous regrettions
dë n’avoir pas, vue, à tous ces lieux si fameux dans l’histoire et si
dignes de l’être.
Lès objets sur lesquels notre Vue se portait de l’un et de l’autre
côté du canal, disparaissaient avec la plus grande rapidité : nous
avions le vent en poupe, et le courant des eaux accélérait notre
marche, de sorte que nous nous trouvâmes à dix heures du matin
devant Gallipoli. Cette v ille , aujourd’hui- la plus considérable de
celles situées sur l’Hellespont , passa au pouvoir des Turcs sous le
(1) Nevris, le faon d’une biche; Elaphoiinesus, de ■ î . un cerf, et
de njifls, lie; Proconnesus, de jrpaf, vfixai. qui signifient également un jeune
cerf, et de viîs« , lie.