Toutes les étoffes manufacturées dans l’île sont soumises, avant
leur sortie, à une marque ou sceau apposé1 par le mutselim, sous
■peine de confiscation et d-amende ï elles paient la valeur de 6
aspres (1) par pic (2), lorqu’elles sont travaillées en or ou en
argent : les étoffés simples de soie ne paient que 2 aspres. Les
cotonines, dimites et autres toiles de coton paient beaucoup
moins.
Le karatch ou capitation , à laquelle les non-Musulinans sont
soumis dans tout l’Empire, fu t, après la conquête de l’île, abonné
dans les villages , et fixé en raison de leur population et de
1 eténdue de leur territoire. Cette taxe n’a point varié depuis lors,
quoique la population de quelques villages ait augmenté, et qu’elle
ait considérablement diminué dans quelques autres. Ceux qui
fournissent le mastic f paient le karatch avec cette denrée. -
A la ville tous les maies, depuis l ’âge de puberté , et par abus
depuis l’âge de dix à douze an s , sont inscrits sur un registre et
divisés en trois classes. Ceux de la première paient 11 piastres,
ceux de la seconde 5 et demie, et ceux de la troisième 2 piastres
trois quarts. Lès femmes sont exemptes de Cet impôt, et ne peuvent
etre poursuivies pour leur mari ou leurs enfans absens. On sent bien
que l’avidité des percepteurs du karatch leur ferait confondre assez
souvent tous les contribuables , et les porterait à grossir, autant
qu’ils pourraient, la première et la seconde classes, si lés primats
n’avaient le droit de faire entendre les plaintes des opprimés, et
d’exiger impérieusement que justice leur soit rendue.
Outre ces droits légitimes que le gouverneur est autorisé de
prélever en sa qualité de muhassil ou fermier, il prélève, comme
mutselim , des taxes arbitraires et illégales , dont le rapport j
considéré séparément, est peu onéreux aux habitans, mais dont
'l’évaluation totale forme une assez grosse Somme. Ces taxes , qui
sont le càsuël de sa charge, portent sur la plupart des comestibles,
et surtout sur la viande de boucherie, dont le prix est toujours
(1) 1 aspre est le tiers d’un para. Le para vaut à peu près 5 centimes,
(a) Le pic est une mesure de vingt-cinq à vingt-six pouces.
excessif à Scio , sous lé prétexte que les entrepreneurs sont obligés
de faire venir cíe la côte d’Asie les moutons qu’on y vend. Personné
ne doute que le privilège exclusif de fournir cle la viande aux
boucheries ne soit chèrement acheté du mutselim , et que le naïb
et le janissaire-aga ne se fassent payer leur silence à cet égard.
Les particuliers qui obtiennent du mutselim, des places , des
commissions, des permissions exclusives, de petites fermes , lui
paient aussi chaque année une rétribution plus ou moins grande,
suivant leur importance, et suivant la concurrence qui ne manque
jamais de s’établir.
Le soubachi , chef cle la patrouille , à qui la police de la ville
et de la campagne est confiée ( à l’exception des villages du mastic.),
trouve mille occasions de vexer et de pressurer les malheureux
qui s’oublient un instant. Établi pour être le fléau des femmes
publiques, il enregistre leur nom, les taxe et devient leur protecteur.
Tous les cabarets lui paient aussi un droit dont il rend
compte au mutselim. Les querelles , les rixes, les procès, les fautes
les plus légères sont autant d’occasions que la rapacité du soubachi
ne laisse point échapper : innocens et coupables, tous sont entassés
dans les prisons de son maître , et ne sont élargis qu’après s’être
justifiés ou libérés à force d’argent.
Dans tout l’Empire othoman les amendes pécuniaires sont une
mine inépuisable entre les mains d’un gouverneur habile et peu
délicat ; mais il craint ic i, avec raison , les plaintes des chefs de
la commune et le ressentiment de la sultane protectrice de l’île,
On a v u , plus d’une fois, des mutselims rappelés et punis sur la
plainte des primats. Ces exemples, peu fréquens sans doute, sufr
fisent néanmoins pour que tous s’observent, et ne dépassent pas
trop les limites de leurs devoirs.
Presque toutes les terres de l’Empire othoman, comme je l’ai dit
ailleurs, sont grevées d’une redevance annuelle envers des agas ou
seigneurs ; celles de Scio-,- par une faveur spéciale de Soliman Ier. ,
ont conservé presque tous les privilèges dont elles jouissaient sous
la domination des Génois. Les habitans des villages qui fournissent
le mastic, ne reconnaissent pour chef que l ’a g a , fermier de cette