délabrés, leurs terres presqu’incultes, sans songer à réparer, par
le trayail, les pertes qu’un accident imprévu ou leur inconduite
leur occasione assez souvent.
La population de l’île, suivant les notes que les principaux habi-
tans nous ont communiquées, excède dix mille ames. La ville en
contient à peu près deux mille : le reste est répandu dans. quarante
un villages. Les droits qu’elle paie pour les terres, lekaratch
et la douane, montent à près de quarante bourses (40,000 f r . ) ,
sans comprendre quelques frais qu’elle est obligée de faire annuellement
lorsque le capitan-pacba est mouillé avec son escadre au
port de Trio ou de Drio dans l’île de Paros.
Le nombre des Catholiques diminue tous les jours : on en compte
à peine six cents établis à la ville. Cela n’empêche pas qu’ils n’aient
encore un archeyeque, un coadjuteur , six chanoines , un curé et
plusieurs vicaires. Ils ont aussi une maison dïrlazaristes pour l ’instruction
de la jeunesse, un couvent de capucins, un couvent de
cordeliers et un couvent de religieuses cloîtrées. Le nombre des
Grecs au contraire augmente, et leur clergé est beaucoup plus
nombreux et plus riche que celui des Latins. .Ici toutes lès cérémonies
religieuses se font avec le plus grand appareil et la plus
grande liberté. La Porte ne s’inquiète guère de ce qui se passe
dans 1 de, pourvu que l ’impôt soit régulièrement payé , et que tout
plie à, l ’aspect du plus mince de ses officiers.
Le séjour de Naxie serait un des plus agréables de l’Archipel, si
les habitans trop oisifs ne se déchiraient entr’eu x , si le clergé des
deux églises, trop nombreux pour un lieu si resserré, ne fomentait
lui-même les haines et n’entretenait les divisions. L ’étranger
x s’aperçoit bientôt que les prêtres des deux cultes gouvernent ce
pays avec une verge de fe r , et rendent, sans le vouloir, les habitons
plus méchans que dévots,, plus proéessifs, plus tracassiers que
justës et humains.
L ’îlë est parsemée de hautes montagnes , doiit la base est schisteuse
ou granitique. Le marbre blanc et la pierre calcaire dure reposent
partout sur le schiste, et donnent naissance à un grand
nombre de sources qui arrosent et fertilisent les plaines. L a plus
haute de ces montagnes est celle de J u p ite r , que les habitans
nomment D ia ou Z ia . Nous nous y transportâmes avec l’agent
de la République : elle est à trois lieues à l’est de la ville. Nous
vîmes, en passant, le marbre qui porte l ’inscription dont Tourne-
fort a parlé. Nous nous enfonçâmes dans une gorge un peu escar-
pe e, et nous parvînmes à une grotte de beau marbre blanc que
beaucoup de voyageurs ont visitée, à en juger par leur nom gravé
a l ’entrée et dans l’intérieur.
Cette grotte, que les habitans de Naxie regardent comme un
lieu sacré , où les Racchantes du pays venaient célébrer leurs fêtes
et lexirs mystères, ne présente aujourd’hui rien de remarquable.
On voit des stalactites dans l’intérieur, semblables à toutes celles
des grottes calcaires; des encombremens en divers endroits; quelques
blocs de marbre, détachés ; au dehors, un lieu extrêmement
solitaire, peu de yerdure, la cime de la montagne de Jupiter
presque coupée à pic , une jolie espèce de campanule (1) sur les
fentes des rochers ; un peu plus lo in , quelques chênes, beaucoup
d’erables à feuilles trilobées ( acer creticum ).
Le haut de la montagne est inaccessible de ce côté : nous en fîmes
Ie tour , et après quelques heures de fatigue , nous parvînmes au
sommet, précisément à l ’endroit où Nointel, ambassadeur de
France à Constantinople, a fait graver son nom et une inscription
que le tems a déjà effacée. Rien de si beau que l’horizon qui se présentait
à nous : nous avions sous nos -veux le plan de l’î le , nous
distinguions la plupart de ses montagnes : on nous fit observer
Corono , qui prit son nom de la nymphe Coronis , nourrice de
Bacchus. Partout des plaines fertiles, des vallons arrosés, des villages
bien bâtis, des chapelles en bon é tat, contrastaient avec des
roches blanchâtres, des collines arides, et formaient divers tableaux
sur lesquels nos regards ne pouvaient se fixer;, tant le spectacle
de la mer et de ses îles était beau, était imposant.
4 Notre vue se portait, malgré nous, sur un grand nombre d’îles
(1) Elle est figurée par. Toumefort, Voy, au Ley. tom. I , p. »43*