leur base, s’élèvent circulairèment et laissent au milieu un espace
assez considérable. Beaucoup de Grecs et d’Arméniens étaient assis
Sur le gazon , à l’ombre de ces arbres , et fumaient leurs pipes :
divers groupes de femmes turques et arméniènes, voilées et entourées
de leurs enfans, étaient assises à part : des Grecques richement
vêtues, plus ou moins jolies, fixaient les regards et l ’attention
de quelques Européens que le concours du monde avait attirés.
Plusieurs Turcs étaient dans l’enceinte du platane, fumant leur
pipe, et prenant du cale qu’on venait de leur préparer à deux pas
de là.
Le moment n’était pas favorable pour les observations que nous
voulions faire ; cependant nous nous approchâmes de l’arbre , et
lorsque nous fûmes à côté des Turcs ils nous invitèrent à nous
asseoir auprès d’eux : ils nous offrirent des pipes et du café que
nous acceptâmes, et nous fîmes, par le moyen d’un drogman français
qui nous accompagnait, une conversation peu importante.
Nous avons eu occasion de voir à notre auberge deux de ces T u r c s ,
de leur offrir à notre tour un excellent dîner et le meilleur vin que
l’on boive à Constantinople.
Le platane présente souvent à sa base une expansion considérable
d’un diamètre double et triple de celui du tronc, et qui peut
excéder trente pieds , ainsi que nous l’avons vu en quelques endroits
5 de sorte qu’il arrive fréquemment, lorsque l’arhre meurt de
vétusté, qu’il pousse tout autour de la souche , des rejetons qui
forment autant de nouveaux arbres : c’est sans doute ce qui est
-arrivé au platane de Buyuk-déré. Nous remarquâmes effectivement
que les sept à huit troncs dont il est formé, paraissent avoir une
origine commune, et qu’ils sont tous liés par leur base.
Le platane croît naturellement dans tout l'Orient : il est commun
sur les bords des ruisseaux , dans la Grèce, dans les îles de
l ’A rchipel, sur la côte de l’Asie mineure, en Syrie, en Perse. Son
bois ne le cède, pour les ouvrages de menuiserie , à aucun bois dé
l’Europe; il prend un beau po li, et il est très-agréablement veiné.
I ¡es Persans n’en emploient pas d’âutre pour leurs meubles , leurs
portes et leurs fenêtres. Cet arbre mérite d’être plus généralement
cultivé en France, tant à cause des qualités de son bois, que par
la beauté de son feuillage et l ’ombrage frais qu il procure. Il acquiert
, dans une bonne terre un peu humide , une grosseur à
laquelle ne parvient aucun arbre d’Europe.
On sait que les Romains transportèrent cet arbre en Italie , et
qu’ils en multiplièrent tellement la culture dans leurs jardins et
leurs maisons de campagne, que Pline et Horace s’élevèrent contre
l’abus qu’on en faisait de leur tems. Il était difficile alors de mieux
choisir, et de se procurer un arbre plus beau et plus propre à donner
un ombrage frais. Il y avait, selon Pline, un platane en Chypre
et un autre à la fontaine de Gortyne en Crète , qui conservaient
leurs feuilles toute l’année : nous devons sans doute placer cette
assertion parmi les fables que l’antiquité nous a transmises, ou du
moins regarder ces arbres comme différens des platanes ordinaires,
Buyuk - déré ou le G rand-Vallon est un village situé à la partie
la plus large du canal, sur une espèce de golfe , à environ six milles
de la Mer-Noire. Les maisons sont situées sur le rivage de la mer ,
et occupent près d’un mille d'étendue : celles de la plupart des ambassadeurs
, bâties dans le goût européen, se font remarquer par
leur élégance et la beauté de leurs jardins. Comme ce village n est
presqu’occupé que par des Européens, des Grées et des Arméniens ,
le séjour y serait infiniment agréable en été , si les ambassadeurs
pouvaient se résoudre à quitter, surtout a la campagne, le cérémonial
, l’étiquète et les préférences qui les accompagnent partout.
L ’homme qui aime la bonne chère , et qui n est point en
état de se la procurer chez lu i , trouve dans leur table le prix de ses
complaisances et les dédommagemens des incivilités qu il est souvent
obligé d’essuyer.
Les Arméniènes, ici comme ailleurs , vivent retirées , et ne se
montrent pas dans les rues sans voile : les Grecques vivant avec aussi
peu de contrainte qu’à la capitale, et contribuent à faire supporter la
monotonie des sociétés. On désirerait cependant qu elles joignissent,,
■à une figure ordinairement jolie et à leur gaiete naturelle, un esprit
plus cultivé , un coeur plus aimant, et qu’elles montrassent moins
d ’avidité pour l’argent et moins de goût pour les frivolités.