nécessaire au sultan. Combien en citerions-nous, que l’intrigue a
déplacés ou fait périr, que le sultan a sacrifiés à sa propre sûreté !
Combien l ’histoire ne nous offre-t-elle pas de visirs, dont la présomptueuse
ignorance a causé les malheurs de l’Etat et hâté leur
propre ruine !
Les autres ministres, obligés de conférer avec le grand-visir et
de prendre ses ordres, font tomber sur lui seul la responsabilité
attachée à leur administratiçn, et les conseillers dont il est entouré,
ne peuvent le sauver lorsque sa perte est résolue. Maître de suivre
ou de rejeter leur avis, il ne lui reste ni prétextes ni excusés : c’est
•à lui seul à qui le souverain pouvoir est confié, c’est à lui seul à
fendre compte.
La loi et les usages, ainsi que je l ’ai dit à l’égard du sultan et
des pachas, ont mis quelques entraves au droit qu’a le visir de
punir de mort tous les agens, tous les salariés du gouvernement.
Avant de faire tomber la tête d’un grand personnage de l ’Empire,
i l doit auparavant avoir un ordre signé de la main du sultan-;
■etlorsqu’i l s ’a g itd ’un militaire, il faut qu’il obtienne l ’approbation
dés chefs.
’Dans les courses fréquentes qu’il fait incognito dans la ville pour
veiller au bon ordre, s’informer de l’état des comestibles, vérifier'
les poids , les mesures, et inspecter la conduite des agens préposés
à la distribution des subsistances, le v is ir , accompagné d’un
bourreau et de quelques officiers déguisés comme lui, fait arrêter
et punir les coupables sur le champ : il requiert, s’il le fau t, la garde
d u quartier; il fait donner la bastonade aux marchands qui vendent
-des alimens ’de mauvaise qualité ; il fait clouer par l’oreille, contre
la porte de la boutique, celui qui est trouvé avec de faux poids;
il punit même de mort les récidives ou les malversations trop
graves. Dans les incendies, il fait trancher la tête au voleur surpris
en flagrant1 délit ; mais, dans ces cas, la loi a prononcé d’avance la
peine de mort. Chargé d’écouter les plaintes des particuliers, de
faire rendre justice à tou s, le visir ne peut, sous aucun prétexte,
disposer légalement1 de la vie et de la fortune des citoyens. Ce n’est
pas qu’il n’abuse trop souvent de son autorité; ce n’est pas qu’il
ne cède quelquefois à des conseils perfides, qu’il ne se laisse entraîner
par des motifs de haine ou de vengeance, que la soif de l’or
ne le porte à des actes arbitraires ; mais malheur à lui si les injustices
sont trop révoltantes ! Lorsqu’il se met trop souvent au dessus
des lo is , le peuple, à son tour les foule aux pieds, à moins que le
sultan ne soit prompt à faire justice.
A la tête des armées, loin des regards du souverain, le pouvoir
du visir est dégagé des formes qui le gênent quelquefois à la capitale,
et il faut avouer qu’il a le plus grand besoin d’y déployer une très-
grande sévérité. Les Musulmans, naturellement féroces, séditieux,
ne peuvent être contenus que par la vue des supplices. Si les têtes
des mutins, des pillards, des assassins ne tombent de tems entems ,
bientôt l ’armée n’offre plus que des bandes éparses de brigands qui
dévastent , avec la même avidité, les provinces de l’Empire et
celles des ennemis.
Les kadileskers ou juges ordinaires de l ’armée ne la suivent que
lorsque le sultan la commande en personne : un molla nommé à cet
effet en remplit toujours les fonctions lorsque le visir en a le commandement.
Il en est de même lorsqu’il est déféré à un pacha;
mais, dans tous les cas, la mort doit suivre immédiatement la connaissance
du crime , et la sentence du juge n’est qu’une simple
formalité.
Le grand-visir donne audience au public plusieurs jours de la
semaine ; il écoute les plaintes des citoyens, admet ou rejette leurs
requêtes, leur permet de plaider leur cause devant les kadileskers,
le stambol-éfendi et les mollas de Galata, d’É yo u b , de Scutari, et
leur fait administrer assez promptement la justice ; mais il n’est pas
exact de dire qu’il ht rende lui-même. A moins que ce ne soit une
affaire de police ou que les réclamans et les coupables ne soient des
agens du gouvernement, les sentences sont prononcées par les juges
ordinaires : le visir les fait exécuter comme font les pachas dans les
provinces.
Lorsque le grand-visir est obligé de s’absenter pour prendre le
commandement des armées , le sultan nomme par intérim un
caïmacan ou substitut qui en remplit les fonctions , qui est investi
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