chancelleries : tou s, en un mot, ont prouvé dans cette mémorable
circonstance, qu’on ne devait confier dans la suite les importantes
fonctions de drogman qu’à de véritables Français, à des hommes
nés dans le sein de la France, nourris et élevés dans ses moeurs et
ses usages.
Je rie croîs pas qu’on doivè assimiler l’homme né en Turquie,
d’un père qui a renoncé depuis long-tems à sa patrie, d’une mère
sujète du grand-seigneur, d’une Grecque ou d’une Arméniène qui
déteste nos usages et se moque de nos moeurs, à celui qui > né en
France, aura sucé avec le la it , des idées de probité, de moralité
et d honneur. Cinq à six années que le premier aura passées à
Paris pour son instruction, ne pourront détruire les impressions
qit’il àura reçues dans sa jeunesse. Accoutumé à vivre avec des
hommes avilis, entouré de parens dont l’ame est flétrie par l’escla-
v à g è , instruit à l ’école dü vic e , cinq à six années ne suffiront pas
pouf élévér son aine, pour gràver d ’Une manière ineffaçable dans
Son coeur l ’amour de la Vertu* le désir de là gloire , le dévouement
à sa patrie.
Ori sera pétit-être Surpris que je régàrde un homme né dans le
Levant comme moins àpte aux vertus sóciales , Comme moins
propris à remplir dés fonctions qui exigent de là probité et de
l’honneur. Premièrement ■, l’expérience nous apprend trop souvent
que le drogmân -, né et élevé en Turquie, ne se fait pas scrupule de
sacrifier Iris intérêts des particuliers et ceux du gouvernement,
lorsqu’il trouve quelque avantage à le faire. Il serait honteux d e
dire et peut-être assez fàcile à prouver que l ’agent succombe quelquefois
aux pîéges que ne cesse de lui tendre le drogman. Trop
souvent celui-ci à forcé l’autrè au silence par ses manoeuvres , on
lJâ séduit par l’Or qu’il a eu l ’adresse de lui présenter à propos et
àvéc ménagement.
D ’ailléurs, que peut-on attendre d’un homme élevé dansun pays
où l ’ôri. n’att riche -l’idée de probité et de devoirs qu’aux pratiques
extérieures d’un culte religieux, où les usages autorisent à se faire
payer le moindre service, la moindre démarche ; où la justice se
vend, -où le faux témoignage se p a ie , où le meurtre se rachète,
ou tout, en un mot, se trafique sans scrupule, sans honte et sans
remords ?
L ambassade de Constantinople ne ressemble en aucune manière
à celle des autres cours. Dans celles-ci l’ambassadeur traite les*
affaires lui-même : il peut développer tous ses talens ; il peut faire
agir toutes les ressources de son génie : mais à Constantinople il
dépend uniquement de son drogman : si l’homme qu’il emploie est
inepte ou mal-adroit, l ’ambassadeur n’est plus auprès de la Porte
qu’un sot ou un homme ordinaire. Si le drogman est fripon, l ’ambassadeur
est trompé : il voit les affaires les plus claires prendre
une tournure entortillée, s’embrouiller, s’obscurcir et présenter
chaque jour de nouveaux incidens : leur marche, suivant les circonstances
, sera retardée par des obstacles supposés. Les difficultés
et les embarras naîtront à chaque pa s , jusqu’à ce qu’enfin
l’ambassadeur, dégoûté , renonce à ses projets et abandonne ses
entreprises.
Si le drogman au contraire avait le patriotisme, les grands talens
et la pr obité que nous supposons à un ambassadeur, et que celui-ci,
avec un coeur pur et un jugement sain, n’eût que des talens ordinaires
, les intérêts de la nation reposeraient en de meilleures
mains. La marche des affaires ne serait pas entravée : on verrait
la Porte traiter avec confiance, 'loyauté et franchise : les firmans
pour la punition des coupables, dans les Échelles, seraient promptement
délivrés, et ne laisseraient aucun doute, aucune ambiguité
dans leurs dispositions : notre commerce serait efficacement protégé
; aueun Français ne serait jamais outragé ou insulté impunément
: les commissaires et les agens de la République jouiraient dâ
la considération qu’ils méritent.
Est-il, dans le L evan t, -un homme un peu judicieux qui n ’ait
fait mille fois les mêmes réflexions que moi f En est-il un qui ne
se soit.aperçu très-souvent que le drogman altère ou modifie à sou
gré les paroles qu’il est chargé de transmettre ?
. C’est à Marseille et non pas à Constantinople qu’il faut établir
des.éçoles publiques de g re c , (le turc et d’arabe, afin que les jeunes
gens qui se destinent au commerce du Levant, les marins qui doivent
D d a