elle doit recourir à un signe de convention, et se borner à renverser
ses pantoufles.
Le mari, dans aucun cas, ne peut rien exiger des esclaves qui
appartiennent à la femme : il n’a des droits qué sur celles qu’il a
achetées lui-même. Il est très-rare qu’il s’oublie à cet égard, parce
que la femme ne manquerait pas de porter ses plaintes et de le
faire punir,
Lorsqu’un homme vent que la paix et le bonheur habitent chez
lu i, il se borne uniquement à son épouse; ou s’il prend quelque
liberté à l’égard des esclaves qu’il a achetées pour la servir, il leur
recommande de conserver à son égard le plus grand respect et la
plus grande soumission. Il tâche de leur persuader qu’elle ignore
l’amour qu’il a pour elles ; et l ’épouse, de son côté, voulant conserver
la paix dans le ménage, feint d’ignorer les infidélités du mari,
et se soumet avec moins de peine à la privation à laquelle il la condamne,
dédommagée par l’empire qu’elle continue d’exercer sur
ses esclaves.
Mais lorsqu’un Turc épouse plusieurs femmes qui ont toutes les
mêmes droits et les mêmes prétentions, il est bien rare que les
préférences n’entraînent des jalousies et des querelles : il est bien
rare qu’elles voient de sang-froid une d’elles recevoir plus fréquemment
des marques d’attachement, sans qu’elles ne fassent entendre
leurs plaintes. Et quelque juste que soit le mari dans la distribution
de ses faveurs, toutes le taxeront d’injustioe, toutes croiront
ou feindront de croire leurs rivales plus heureuses, et le mari plus
empressé de leur plaire.
C ’est bien pire si le dégoût l’éloigne de ses épouses et le porte
tout entier vers ses esclaves ; et si celles-ci, abusant de la faiblesse
du mari, se prévalent et s’enorgueillissent des faveurs qu’elles reçoivent
; si efl.es paraissent moins soumises et moins respectueuses ,
la paix alors ne peut être rétablie que par l’éloignemerrt de ces esclaves
inconsidérées et le retour sincère.du mari vers les épouses.
D’après la disposition des ménages turcs, on voit que l ’épouse
surveille les esclaves, parce qu’elle serait très-aise de les trouver en
faute afin d’indisposer le mari à leur égard ; et l ’esclave qui coucha
avec le mari, est l’Argus le plus dangereux pour la femme : celle-ei
ne sort jamais sans être accompagnée de l’autre ; ce qui rend les
infidélités assez rares.
Quelques femmes, dans la classe indigente du peuple, se livrent
aux hommes avec assez de facilité moyennant de l ’argent, et malgré
la sévérité du gouvernement. Parmi les riches, on connaît en T u r quie,
comme en Europe, les intrigues amoureuses : mais dans un
pays où la femme sort rarement, où elle est entourée des parentes
du mari et d’esclaves intéressées à la surveiller, on sent que ces
intrigues présentent une infinité de difficultés à surmonter e t d’obstacles
à franchir, qui les rendent moins communes. Presque toujours
la femme fait les premières avances. Aperçoit-elle un homme
de bonne mine, un homme qui lui p la it, elle met une matrone
en campagne, et s’informe de tout ce qui peut l’intéresser. Est-elle
sûre que l’homme répond à son amour ? on arrange une partie ; elle
sort avee &>n cortège ordinaire, et va chez une parente-, chez une
amie ou chez quelque esclave affranchie et mariée : de là elle se
rend, sons divers prétextes, chez une autre esclave ou chez quelque
Ju iv e , quelquefois chez une troisième,. seule ou accompagnée de
quelque personne affidée. C’est là que l’homme a été introduit,
souvent déguisé en femme; Les parties se renouvellent aussi souvent
que les circonstances peuvent le permettre, sans trop s’exposer.
On profite d’nne absence du ma ri, du moment de la prière à
la mosquée. Lorsque la femme est sûre de ses esclaves, oe qui est
très-rare , èfle peut introduire un homme dans le harem ; mais malheur
à eux s’ils sont découverts ! presque toujours la mdrt s’en suit.
L e bain peut: aussi servir de lieu de rendez -vou s, lorsqu’avec
de l ’argent , on est certain de la discrétion des personnes qui en sont
chargées, et lorsqu’on a la certitude de ne pouvoir y être troublés.
Il y a à Constantinople et dans les grandes villes, des Juives, des
Armémènes qui portent dans les harems des étoffes précieuses ,
des bijoux, des parfums, des colifichets , des bonbons à acheter ;
la plupart d’entr’elles sont des matrones a'droites, par les mains
desquelles passent tontes les intrigues amoureuses. On sait que
l ’amour surveillé ou contraint est inventif , et qu’il trouve bien