souvent les moyens de se dérober à la vigilance des gardiens. Comme
on ne peut avoir des conversations secrètes sans se rendre suspect,
et comme les femmes turques savent rarement écrire , ces matrones
entretiennent les correspondances par l ’arrangement des
fleurs d’un bouquet, par la disposition de diverses couleurs ou de
tout autre signe convenu.
■ C’est surtout en Syrie et en Egypte que l’art de s’exprimer par
■le moyen des fleurs est poussé à un point t e l , que la correspondance
la plus active peut avoir lieu entre deux amans, sans réveiller
l ’attention d’un jaloux, sans attirer les regards des surveillans.
L ’influence que les femmes turques'ont sur les affaires publiques,
dans la nomination des agens du gouvernement, dans la distribution
des faveurs et des-châtimens, est beaucoup plus considérable
qu’on ne présumerait, d’après leur manière de vivre retirée. Les
harems sont des lieux de rendez-vous inaccessibles aux hommes (1),
où passent successivement en revue les anecdotes les plus intéressantes
de la ville et des provinces , où se débitent les nouvelles
curieuses, où s’ourdissent les trames et les complots. Des femmes
de tout âge et de tout rang viennent y solliciter des grâces et des
faveurs pour leur m ari, pour leurs parens, ou viennent s’y plaindre
et demander protection contre un mari trop jaloux, trop sévère ,
ou contre quelque personnage puissant. Une affaire passe souvent
-jjar le canal de plusieurs femmes avant d’arriver à sa destination:
une esclave afïranchie, une femme de la dernière classe du peuple',
obtiennent quelquefois par leurs patrones un crédit tel , que l’on
recherche de toutes parts leur protection.
Les Musulmanes se soutiennent entr’elles , et sont toujours prêtes
à faire cause commune. Elles sont implacables dans leur ressentiment,
et manquent rarement de se venger d’un outrage ou d’une
"offense un peu grave. Leur influence s’accroît par celle qu’obtient
ordinairement sur le sultan une esclave favorite ou la Sultane -
Validé.
(i) Le mari n’entre pas chez son épouse lorsqu’elle est avec des étrangères. Cet
usage est très-scrupuleusement observé.
CHAPITRE
C H A P I T R E X I I .
Des Géorgiènes et des Circassiènes. De l’esclavage.
Entrée dans le marché des esclaves femelles'. Usage des
femmes à l’égard de l’alaitement et de la stérilité. Des
harems et des bains.
o sr vante beaucoup dans tout l’Orient la beauté des . Géorgiènes
et des Circassiènes , esclaves amenées et vendues à Gonstântinople,
encore jeunes, et de là répandues dans toute la Turquie , pour
servir dans les harems ou donner des enfans à leurs patrons. Ces
femmes , d’après le récit que nous en ont fait les Chrétiennes' du
■ pays qui les fréquentent , d’après le petit nombre de celles que la
médecine nous a donné occasion de vo ir , ont les traits européens :
3 presque foutes sont blanches ; quelques-unes sont blondes ou brunes;
toutes sont dans une belle proportion lorsqu’elles sont jeunes ; mais
elles acquièrent ordinairement, par le repos,;la bonne chère'et
l’usage fréquent des bains , un embonpoint qui fait les délices des
Turcs, et qui sort.néanmoins des limites des belles proportions, g
Les Turcs ont à peu près les mêmes idées de la beauté des femmes,
^ que les Européens, si ce n’est qu’ils préfèrent en général les blanches
et les brunes aux blondes, et l’embonpoint excessif à la maigreur :
on peut même dire que les femmes bien, portantes et potelées, leur
plaisent beaucoup plus que celles dont la taille est svelte, dont la
figure et les membres sont déliés et peu charnus.
On ne doit pas être surpris que ces femmes soient en général très-
bien faites, puisque c’est le choix de tout ce qu’il y a de plus
, beau parmi elles qui est vendu aux marchands turcs, par les parens
eux - mêmes. Mais ce qui doit étonner, c’est: que l’avarice ait surmonté
les préjugés religieux; c’est qu’un père et une mère, à;l’aspect
de l’or, ferment leur coeur à la tendresse et aux affections les
plus douces ; qu’ils abandonnent et livrent sans remords un enfant,
pour être élevé dans une religion différente et servir aux plaisirs
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