et donner un exemple de sévérité qui pût en imposer aux ambitieux
qui seraient tentés de l ’imiter ; mais la majorité insista fortement
pour offrir à Pasvan son pardon et la restitution des biens
confisques à son père s’il voulait mettre bas les armes et congédier
son armée.
Dès qu’un gouvernement se résoud à traiter avec un sujet rebelle
, il donne la mesure de sa faiblesse ou de son ineptie. Les
ambitieux dès-lors conçoivent les projets les plus hardis, et se
flattent que leurs entreprises seront couronnées du succès. Tel était
l ’effet que durent produire sur Pasvan les propositions du divan ;
mais cet homme était trop adroit pour irriter la Porte par un
refus formel, et compromettre le sort de son armée par une dé-
marche trop précipitée : il avait d’ailleurs besoin de gagner du
tems et d’amasser des richesses pour la réussite de ses projets. Il
ne comptait pas assez peut-être sur les dispositions favorables de
tous les janissaires de l’Empire. Il se contenta, pour le moment,
de demander que tout resterait à Vidine sur l’ancien pied , que le
nouvel impôt n’y serait pas établi, et que les janissaires seraient
maintenus dans leurs droits. Sultan Selim accéda à ces conditions
honteuses, et envoya à Vidine un pacha muni d’un firman à cet
effet. Le pacha fut reçu et installé avec les cérémonies d’usage ;
mais trop faible pour lutter contre un homme qui avait une armée
à ses ordres , il ne put obtenir aucune sorte d’autorité : Pasvan
conserva son influence et son pouvo ir , et continua , au nom du
pacha, à régir et administrer la ville et la province.
Pasvan connaissait trop bien l’astucieuse politique de la Porte,
pour s’endormir dans une parfaite sécurité : il était persuadé qu’elle
emploierait tôt ou tard ses moyens ordinaires, le fer ou le poison,
pour se défaire d’un homme qui pouvait encore l ’inquiéter, qui
avait osé paralyser ses mesures, et qui exerçait dans Vidine une
autorité illégale. Il ne négligea rien pour se faire des protecteurs
et des partisans parmi les grands personnages de la capitale
: il continua à flatter le peuple et à lui faire espérer
des réformes utiles et fortement desirées , e t , jaloux d’obtenir,
dans les circonstances, un pouvoir légitime, il sollicita vivement
le gouvernement de Vidine avec la dignité de pacha à trois
queues.
Quoique la Porte eût montré une grande faiblesse en pardonnant
à un sujet rebelle et en souscrivant aux conditions qu’il avait
dictées, jamais elle ne put se résoudre à lui accorder la dignité
qu’il demandait, et contribuer par-là elle-même à son élévation.
Elle chercha à gagner du tems en attendant quelque circonstance
heureuse qui la délivrât d’un homme qu’elle regardait comme aussi
dangereux que coupable. Elle l’amusa tant qu’elle p u t, par des
promesses qu’elle était dans l ’intention de ne jamais effectuer. Elle
ne se dissimulait pas que cet homme ambitieux ne demandait le
gouvernement de Vidine que pour se rendre ensuite indépendant
, et pour écarter un pacha dont la présence l’inquiétait, qui
pouvait d’un moment à l’autre s’emparer de l’autorité et le punir
de ses crimes.
Dès que Pasvan se fut aperçu qu’il n’avait rien à espérer de
la P o r te , il arbora de nouveau l’étendard de la révolte : il
chassa le pacha, et recommença ses incursions dans les provinces
voisines.
Ses généraux, plus guerriers que politiques, voulaient l ’engager
à .s’emparer de la Valachie et de la Moldavie, fortifier les
principales villes situées sur le Danube, et braver de là tous lès
efforts de l’Empire othoman. Pasvan connaissait les cours de
Vienne et de Pétersbourg : il était persuadé qu’elles favorisé-
raient, qu’elles seconderaient même ses entreprises dans l’intérieur
, mais qu’elles s’uniraient au contraire à la Porte pour l’empêcher
de s’établir au-delà du Danube, et former un état indépendant
de ces deux principautés.
Un plus vaste champ de gloire et de prospérité s’offrait à
Pasvan, c’était de marcher droit à la capitale, de porter une main
hardie sur le trône, de disposer du sort de Selim, d’immoler ses
ennemis aux mânes de son père, à sa propre sûreté ; de réunir
sous les mêmes lois , des peuples que le fanatisme religieux sépare ;
de donnèr au commerce, à l ’industrie, une impulsion nouvelle;
de vivifier l’agriculture, de créer une marine formidable, d’asseoir