autrefois ; car un simple pacha fait souvent exiler un cadi qui le
contrarie ou s’oppose à ses volontés. Il arrive aussi que lorsque
le sultan veut faire mourir un uléma dont le zèle et le courage lui
font ombrage, il tâche par de feintes caresses, de lui faire accepter
un pachalik ou tout autre emploi. Devenu alors agent du gouvernement
, il lui fait trancher la tête sans aucune formalité.,
Il y a dans quelques villes de provinces, des muftis d’un grade
inférieur à celui de molla, dont les fonctions consistent à inter-
prêter le coran,et ses commentaires, assister aux grandes assemblées
, et donner leur avis sur toutes les questions qui y sont
agitées. Leurs opinions diffèrent souvent en matière de jurisprudence,
mais elles sont à peu près les mêmes en matière religieuse;
ce qui les fait tous regarder comme orthodoxes. Ils sont nommés à
vie par celui de la capitale, et ont des appointemens fixes. Ils ne
sont point juges dé la ville où ils sont placés; ils n’y sont que
comme jurisconsultes. Ils sont muderis, et agrégés comme tels au
corps des ulémas ; mais ils ont renoncé à la magistrature, et ne
peuvent obtenir d’autre avancement que celui d’être envoyés par
faveur dans Une ville plus considérable.
Les ministres immédiats de la religion, comme je l’ai dit plus
hau t, ne font pas partie du corps des ulémas : ils peuvent néanmoins
y être admis, soit en subissant des examens et se faisant recevoir
muderis, soit en obtenant par la faveur une place de mufti de
province, de cadi ou de naïb. S i, après avoir occupé avec distinction
ces emplois, ils se font agréger au corps des muderis et qu’ils
veuillent passer à'la mosquée de Soliman, ils peuvent alors parvenir
aux places les plus éminentes de la judicature. Le premier
grade parmi eux est celui de scheik ou de prédicateur, dont la
fonction est de prêcher dans les mosquées tous les vendredis après
la prière de midi, et même plus spuvent lorsqu’il y a des fondations
pour cet objet. Les scheiks des quatorze mosquées impériales
de Constantinople sont les plus considérés de l’Empire, et sont
nommés par le mufti ; ceux des autres mosquées le sont par le magistrat
du lieu ou de l ’arrondissement.
Les khatibs n’ont d’autre emploi que celui de remplir, à l’exemple
du prophète et des premiers califes, et à la place du sultan qui les
représente, les fonctions d e l'imameth ou du sacerdoce, à la prière
solennelle qui a lieu le vendredi, et à réciter le khoutbé ou profession
publique sur l ’unité et les attributs de l’Etre suprême,
accompagné d’une prière pour la conservation et la prospérité du
sultan, et pour le succès de ses armes contre les infidèles. Ils sont
nommés par un khatty-schêrif signé de la main du sultan.
L 'iman récite à haute vo ix, dans la mosquée, cinq fois par jour,
excepté à la prière solennelle du vendredi , le namaz, que les
àssistans répètent à voix, basse ; il fait en même tems les cérémonies
qui accompagnent cette prière ; il assiste à la circoncision, aux
enterremens ; il remplit en un mot toutes les fonctions que le culte
exige.
Dans les premiers siècles du mahométisme, iman signifiait et
désignait le pontife ou le chef suprême de l’islamisme : les successeurs
des quatre premiers califes n’ont pris que le titre d'iman-ul-
M uslimin, p on tife des Musulmans. Les docteurs et interprètes de
la loi en furent décorés ensuite, et depuis quelque tems on ne le
donne plus qu’aux ministres du culte.
Les fonctions du muézim sont de monter cinq fois par jour sur
le minaret (1 ), d’y entonner la profession de foi de Mahomet,
inviter les Musulmans à la prière, et, chanter, dans les jours de fête,
divers hymnes. On choisit à cet effet des jeunes gens dont la voix
est forte, claire et sonore, car les Turcs se plaisent beaucoup à
entendre bien chanter sur les minarets. Dans les petites mosquées,
les muézims balayent, arrangent les tapis , allument les lampes,
etc. ; mais cette fonction, dans les grandes, est réservée à d’autres
jeunes gens nommés cayims. Dans la plupart des villages et même
dans quelques mosquées des villes, dont le revenu est trop borné,
l ’iman remplit à la fois les fonctions de sckeik, de kliatib, d’îman,
de muézim et de cayim. Les mosquées du second ordre, nommées
(1) Espèce de clocher eh forme de colonne, dans lequel est pratiqué un escalier
pour monter à une galerie construite vers l’extrémité : il domine toutes les maisons,
et souvent il est plus élevé que la mosquée.