se multiplient. II est arrêté à chaque instant : voilà le temple de
Diane, s écrie-t-il, voici celui d’Apollon : c’est là qne les prêtres
habitaient. Plus loin il découvre un gymnase ; il aperçoit un théâtre,
un portique ; il mesure l’etendue d’un palais ; il voit des statues
mutilees : c est 1 image d’un dieu , c’est la figure d’un héros, c’est
le portrait d’un bienfaiteur. Partout des colonnes , des chapiteaux
; partout des marbres, des granits , des porphyres, avec
des bas-reliefs, avec des inscriptions. Il nC peut embrasser tant
d objets à la fois j il ne peut avoir qu’un sentiment, celui de l’admiration.
Mais combien tristes sont les idées qui se présentent à leur tour !
Quelle ést la main barbare, se d it- il, qui la première a porté le
fer ou la flamme sur des objets consacrés à la vénération des
hommes? Quel est l ’impie qui, d’une main sacrilège, osa démolir
Ces temples que l ’or des nations et la piété des peuples ont élevés
et embellis ? Qui pût briser la statue d’un dieu bienfaisant, d’un
héros qui terrassa les ennemis de sa patrie, d’un mortel qui inventa
\in art utile ?
Hommes sensibles ! jetez un coup-d’oeil sur Délos ; voyez d’abord
Cette île consacrée à la piété., couverte de temples, de somptueux
édifices, ornée de jardins délicieux. Figurez-vous un peuple im-
mense abordant de tontes parts, apportant le tribut que la piété
offrait aux dieux par l ’organe des prêtres : voyez-le se livrant à la
joie la plus pure , aux plaisirs les plus doux. Eh bien ! . . . .-tout est
détruit, tout a disparu : il n’existe plus aujourd’hui que des ruines,
que des champs abandonnés, sur lesquels semblent croître à regret
quelques plantes chétives, quelques arbustes rabougris.
Une île dédiée à des immortels, une île qui recevait des offrandes
de tons les peuples civilisés, devait avoir une origine miraculeuse.
Long-tems flottante au gré des vents, Délos se f ix a , selon la
fable , à la voix de Neptune, pour recevoir l ’amante de Jupiter,
que la colère de Junon poursuivait dans les cieux et sur la terre.
Latone, sons la forme d’une caille, met au monde Apollon et
Diane an pied d’un palmier, et le venin du serpent qui la menace,
reste sans effet et ne peut attenter à ses jours.
Cette île n’est point élevée comme Tine, Naxos et Myconi. Partout
schisteuse ou granitique, elle n’ofiFre aucune trace de volcan,
rien qui puisse faire expliquer , par les lois de la physique , les
merveilles que les Grecs nous ont transmises à son égard. Le mont
Cynthus n est, pour l’observateur, qu’une colline granitique, dont
il serait inutile de parler, si tout en ce lieu ne rappelait des souvenirs
et ne méritait de fixer les regards du curieux (1).
Le 2.6, avant de continuer notre route pour Naxie, nous voulûmes
toucher à la partie orientale de l’île Rhénée : nous vînmes
passer de bonne heure entre le grand et le petit Rematiari, et nous
débarquâmes à l’endroit où le sol est encore parsemé de ruines et
de tombeaux. On sait que l ’île Rhénée devint le lieu de sépulture
des habitans de Délos, lorsque, sous l’archonte Euthydème, on
eut regardé comme indécent qu’une terre sacrée reçût plus long-
tems la dépouille des mortels.
L ’île Rhénée ou la grande Délos est peu élevée, assez fertile,
très-propre partout à la culture de la vigne et de l’olivier. Quoiqu’elle
art assez d’étendue, on n’y voit point d’habitans : ceux de
Myconi viennent y ensemencer les terres les plus fertiles èt y faire
paître quelques troupeaux. Nous n’avons vu nulle part le lentisque
et le térébinthe si beaux et si communs. Nos mariniers, en débarquant,
s’empressèrent d’abattre plusieurs de ces arbres et de renouveler
leur provision de bois.
■ A une heure après midi nous continuâmes notre route avec un
léger vent de nord, et dans quatre à cinq heures nous jetâmes
' l ’ancre dans le port dé Naxie , situé à l ’ouest de l ’î le , en face de
Paros. Ce p o r t , capable autrefois dé Contenir une trentaine de
galères, était fermé par une jetée que l ’on aperçoit distinctement
lorsque la mer est calme. Elle est actuellement à plusieurs pieds de
profondeur, et cependant les petits navires du pays y sont eiï s A reté
dans toutes les saisons. Les navires un peu gros peuvent mouiller ,
en é té , devant le p o r t, à l’abri du rocher sur lequel on voit
(i ) On trouve une description détaillée des ruines de Délos dans les ouvrages
de Spon , de Tournefort, de M. de Clioiseul, etc.
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