que les agas ont seuls le droit de faire construire. L'huile paie un
septième, e t , ce qui devient un objet très-irnp ortant pour le seigneur,
les grignons (1) et les eaux bourbenses lui restent en dédommagement
des ouvriers qu’il place au moulin pour l’extraction
de l’huile , et des chevaux qu’il fournit pour le détritage des
olives.
L a police du village appartient à l ’aga : il nomme à cet effet un
soubachi, Musulman comme lu i, tyran subalterne, toujours plus
avide, plus intraitable que son maître. Délateur de tout ce qu’il
vo it, de tout ce qu’il entend, inquisiteur incommode de la fortune
de tous , sans cesse occupé à diviser les habitans, à fomenter les
haines parmi e u x , le soubachi est l’être le pins malfaisant que la
politique turque ait créé pour le malheur des Grecs. L ’aga se sert
de lui pour punir les moindres .fautes, vraies on supposées, par
des amendes arbitraires, par la prison et souvent même par le
bâton.
Les Grecs nomment parmi eux tun .capiton o u primat .chargé de
Concilier‘les esprits , de terminer à l ’amiable les .différons qui naissent
«ntr’eux. C’est un juge-de-paix , à il’avis duquel les plus sages défèrent
toujours, afin d’éviter la griffe redoutable d u cad i, au tribunal
.duquel toutes les affaires litigieuses sont portées /en dernier
résultat. Le primat veille aussi aux intérêts de tous. (C’est à lui que
l ’aga s’adresse lorsqu’il a des ordres à .donner, des demandes à
faire ; lorsqu’il exige des ouvriers pour lia culture de ses champs
o u pour les travaux d’utilité publique. Les ¡Grecs nomment ¡aussi
un dascalos ■ ou écrivain' qui tient ¡registre du nombre des habitans ,
(des sommes auxquelles ils sont imposés pour leur karatch, et de
scelles qu’ils doivent payer à l’aga après chaque (récolte.
Aucun Grec ne peut-se marier sans ¡la permission de l ’aga; -pei>
¡mission qu’il ¡faut acheter par un présent, tel qu’un mouton, un
(i) Grognons ou marcs. On. en retire une assez grande quantité d’huile, ainsicjue
"des eaux qii’on a versées .bouillantes sur le marc’après l’extraction dé l’huile vierge.
On reçoit ces eaux dans 'de grands réservoirs : l’huile qui se détaèhe de la lie ou du
'bourbier, monte peu à peu à:la surlace de ,l’eau.
agneau, quelques poules. Si la belle plaît à l’a g a , il la retient
quelquefois pour son compte, sans que personne ose s’y opposer.
Le bâton est toujours prêt à frapper le Grec récalcitrant; et malheur
à l’audacieux qui porterait plainte au pacha ou à la Porte î II
paierait de sa fôrtune et souvent de sa tête une pareille démarche.
L ’aga se marie dans ce cas au capin avec le consentement libre,
ou censé tel, de cette femme. Les moeurs othomanes s’opposent à
ce qu’il viv e autrement avec elle ; et si la femme s*obstinait à ne
pas vouloir de sa main, tout-puissant qu’est l’a g a , il serait obligé
de se désister de ses prétentions. Assez souvent après avoir gardé
cette Grecque deux ou trois ans, il la congédie pour une antre, et
ia marie à quelque Grec habitant du village, qui n’ose s’y refuser.
On assure qu’il est très-rare qu’une Grecque ne soit flattée de partager
la couche de son seigneur, jeune ou v ieu x , quelle que soit
la honte que les hommes y attachent et le sort qu’elle doit éprouver
tôt ou tard, tant il est vrai qu’ic i, comme ailleurs, l ’autorité
séduit et la vanité entraîne.
On ne permet point aux hommes mariés de quitter l’île, à moins
qu’ils ne soient marins ou négocians. On a vu pendre au mât de
son bateau un karavokéri (i) qui avait osé enfreindre cette loi ,
et qui avait furtivement porté quelques malheureux dans le golfe
d’Éphèse. On permet néanmoins aux garçons d’aller travailler en
Morée et ailleurs ; mais on exige d’eux auparavant une taxe de
■60 paras ou de 2 piastres par tête.
S’il arrive un meurtre dans le village ou son territoire, et que le
coupable ne soit pas connu, l’aga doit payer au pacha une somme
d’argent qu’il lève sur tous les habitans. Il en retient une partie
pour lui ; c’ est l ’usage en Turquie : jamais l ’argent ne passe par
les mains d’un homme sans qu’il n’en garde une portion. Les taxes
ici sont toujours arbitraires et plus ou moins fortes, suivant la
population et l’aisance des habitans. Si c’est un Musulman qui a
été trouvé mort, la somme demandée est exorbitante, parce que
la religion a été outragée dans un de ses membres. Un pareil
( 1 ) Maître ou capitaine de barque, de bateau, de navire.
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