et paraissait clans nn état de mort. Il tombait entre les bras des
religieux sérvans, qui tâchaient de le rappeler à la vie par des
âttouchemens sur le visage, sur la poitrine, et principalement sur
les bras et sur les cuisses. Chez quelques-uns C’était une simple
extase : le retour à la vie s’opérait cl’une manière lente et graduée ;
chez les autres, l’état de mort paraissait complet. Les religieux ser-
vans les étendaient par terre et faisaient les plus grands efforts
pour les rappeler à la vie. Indépendamment des attouchement
multipliés qu’ils leur faisaient, ils leur parlaient à plusieurs reprise*
à l’oreille; et lorsque tous les moyens ordinaires étaient épuisés, le
chef s’approchait pour exercer sa toute - puissance. Il étendait sa
main sur le visage du mort, qui revenait subitement et se relevait
avec la plus grande prestesse au moyen d’un derviche servant. Ce
spectacle, présenté tout le tems que dura la cérémonie, devint plu«
fréquent vers la fin, pendant les hurlemens de ces fanatiques.
Il y avait déjà une demi-heure que la musique fatiguait ho*
oreilles et les cohvulsionn aires affligeaient nos coeurs, lorsque deux
hommes nus jusqu’à la ceinture vinrent occuper la scène pendant
pins d’un demi-quart d’heure. Ils étaient armés chacun de deux fers
de plus d’un pied de long, pointus à l’une des extrémités, terminé»
de l ’autre par Une boule de bois garnie tout autour de chaînâtes >
dont le dernier chaînon était en forme de clou très-pointu. Ce»
hommes faisàiertt divers mouvemens en avant et en arrière aveè
force et fcélérité, et paraissaient s’enfoncer les pointes de ce» deux
Fers dans le ventre ; mais ils avaient l ’attention de mettre à chaque
Fois le pouce sur les pointes. Au reste, lu prestesse des mouvemens;
< dirigés tantôt d’un côté , tantôt de l ’autre , le bruit et lie jeu des
chaînètés, tout empêche d’apercevoir distinctement leur ruse;' Ces
deux hommes feignirent enfin de s’enfoncer ces instrumens dans
les oreilles, dans le front et dans les yeux ; mais alors leur précaution
parut plus grande, leur mouvement n’étbit pas si accéléré, et
un derviche lès enveloppa brusquement d’un niaiiteau; il les étendit
par terré , où ils restèrent pendant quelques minutes comme
morts; Ils se relevèrent ensuite en se frottant' die leur» mains la
fio-ure et le corps , et ils parurent comme ressuscites et guéris de
leurs blessures. Ils furent reprendre leur place et leur tambour.
On nous a dit que quelquefois la cérémonie est plus variée, que
ces fanatiques se mettent des charbons enflammés dans la bouche ,
qu’ils appliquent leur langue sur des fers rouges. Nous le crûmes
facilement en voyant suspendus contre le mur les instrumens propres
à exécuter de semblables folies.
Lorsque les instrumens cessèrent, presque tous les derviches se
placèrent en rond et prononcèrent le mot allah ( Dieu ) , en suivant
le ton d’abord lent, puis accéléré, que donnèrent deux d’en-
tr’eu x , qui s’étaient placés au milieu, et qui chantaient pendant ce
tems-là des cantiques en l ’honneur de Mahomet et de ses descen-
dans» Les premiers secouaient la tê te, tantôt en a vant, tantôt de
côté ou circulairement, avec plus ou moins de rapidité, suivant lte
chant. D’autres fois iis brandillaient leurs: corps, tantôt à droite,
tantôt à gauche , tantôt en avant et en arrière, jusqu’à cè qu’ils,
fussent épuisés de fatigues et tous trempés de sueur. Ils prenaient
un moment haleine et recommençaient, ensuite , toujours en prononçant
le mot allah , ou poussant seulement un cri semblable à
celui de heh ou h e i, qui paraissait sortir du fond de la poitrine.,
Les courts intervalles: que l’on mettait à ces hurlemens , étaient
remplis par le chant des- deux religieux que nous avons dit être assis i
au milieu de ces hurleurs. Nous avons remarqué: qu’il y avait parmi
les chefs, plus de retenue, plus de calme, moins d’abandon au:fanatisme
; ceux d’entr’eux qui se mêlaient de tems en tems- avec les.
hurleurs , ménageaient leur poitrine et ne fatiguaient point leur'
corps.
Nous sortîmes db cette salle avec un mal de tête-et un mal-aise'
général occasionéspar l’horrible criaillerie de ces fanatiques et par
la vue de ces' scènes désagréables. Nous avions besoin de prendre
l ’air et de nous distraire : nous-dirigeâmes no» pas vers Kava&séraSy
situé au bord de la mer, à demi-lieue au sud de Scutari ; c ’est un
palais impérial actuellement abandonné; bâti par Amurat IV . Quoiqu’il
fût très-agréablement situé, qu’il eût de beaux jardins et qu’on