qu’ils s’habillent de neuf, ce qui leur arrive rarement, ils évitent
les couleurs brillantes et les étoffes d’un certain prix. Ils savent
que leur habit leur serait enlevé par le soubachi ou par quel-
qu’autre T u rc , et les exposerait même à des outrages.
Il n’en est pas de même à la Sphachie. Le Grec de ces montagnes
est en même tems pasteur , agriculteur et artisan. Il tire assez bien
parti des mauvaises terres qu’il possède ; il élève avec assez d’intelligence
et de succès un grand nombre de bestiaux ; il fabrique
avec assez d’adresse les étoffes dont il se Vêtit, les ustensiles dont
il se sert et les divers instrumens qu’il emploie. Mais le Sphachiote
a conservé, comme nous l’avons dit plus h a u t , l’énergie de
l ’homme indépendant et l ’activité de celui qui jouit sans trouble
du fruit de son travail.
Les villagès turcs ne présentent pas autant de misère que ceux
des Grecs, parce que le cultivateur est bien plus assuré de sa
propriété, et qu’il peut sans crainte l ’améliorer par tous les
moyens qui sont en son pouvoir. Outre quelles taxes qu’il paie
sont en général moins fortes, outre qu’il est exempt de l’imposition
personnelle, il est rare qu’on se permette une injustice trop révoltante
à son égard, attendu que les habitans sont toujours prêts à se
soulever et à défendre celui d’entr’eux qui serait opprimé.
Malgré tant d’avantages, ni l ’agriculture ni l’industrie' ne sont
en vigueur chez eux. Enrôlé^ presque tous parmi les janissaires ,
ils comptent sur la paye qu’il ont à recevoir ; ils comptent aussi
sur les avanies qu’ils ne manquent pas de faire aux Grecs toutes
les fois qu’ils en ont l ’occasion. On dirait que , semblables aux
voraces et paresseux frêlons, les Turcs ne sont venus s’établir sur
une terre étrangère que pour y consommer , sans peine et'sans
souci, les subsistances que d’autres retirent de la terre par leur
trav ail, ou se procurent de dehors par leur industrie.:
Le caractère de ces étrangers est si fortement prononcé, qu’on
les trouve lès mêmes en quelque contrée de ' l’Empire qu’on se
transporte. Les Turcs d’Europe néanmoins passent pour être plus
courageux, plus féroces, moins ignorans et moins probes que
ceux d’Asie. Ceux de Constantinople et des principales villes
maritimes sont en général un peu plus doux,, un peu plus instruits
que ceux qui habitent l’intérieur des terres. Ceux de l ’île de Crète
se distinguent par leur méchanceté, leur bonne mine et leur intelligence.
Soit que les Sphachiotes, dont ils ont éprouvé le courage et dont
ils connaissent les dispositions hostiles, les rendent méfians; soit
que le grand nombre des autres Grecs dont l ’île est peuplée, les
oblige également à se tenir sur leur garde, les Turcs, ici plus
qu’ailleurs, sont toujours portés à faire périr de leurs mains ou
envoyer au supplice un Grec sous le moindre prétexte. Les faux
témoins ne se font pas scrupule de paraître devant les tribunaux
lorsqu’il s’agit de se défaire légalement d’un homme dont on
convoite la propriété ou dont on redoute le courage. ,
Personne n ’ignore qu’à la capitale on a quelquefois proposé
d ’en venir, à une mesure générale, et de se défaire en un jour de
tous les Grecs de l’Empire : mais l ’intérêt a toujours retenu le bras
prêt à frapper. On aurait infailliblement recours, en Crète, à ce
moyen atroce, si l ’île était menacée par une puissance européène.
Nous sommes persuadés qu’au premier danger les Turcs de cette
île ne manqueraient pas de saisir indistinctement tous les Grecs
qui seraient en état de porter les armes, et de les immoler
tous à leur propre sûreté, à moins que cette puissance n’eût
pris auparavant la précaution de faire passer des armes secrètement
, et de soustraire par-là ces infortunés au fer assassin de leurs
oppresseurs. : , '
Les Turcs sont en général plus beaux que les Européens.t Leur
taille n’est pas plus élevée; mais leur tête est plus régulière : les
traits en sont ordinairement plus agréables:, mieux prononcés,
Doivent-ils cet avantage à leur vie peu active, au climat qu’ils
habitent, aux alimens dont ils usent, à l ’aisance dans laquelle ils
sont pr^que-tous,,( ou bien, faut - i| en attribuer la cause à ces
esclaves ordinairement assez, belles qui leur ont donné le jour ? Ce
qui porterait à croire que,la beauté plus générale des femmes, en
Turquie, contribue beaucoup à la beauté des hommes, c’est que
les Turcs de Crète, qui spnt dans l ’usage, depuis qu’ils occupent