leur danse fut toujours grave j leurs chants continuèrent -d'être
doux et agréables : elles ne se mêlèrent point avec les hommes,
et ne partagèrent jamais, ni leur ivresse ni leur délire. Presque
toutes les jeunes étaient jolies : quelques - unes d’entr’elles nous
frappèrent par leur beauté ; elles pouvaient bien être comparées,
par leurs traits et par leur taille au x plus beaux modèles que
l ’antiquité nous a transmis. \
Nous aurions désiré porter nos pas dans les liés de Lemnos,
d’Imbros et de Samothrace ; nous aurions voulu observer , dans
la première , les traces du volcan dont l ’histoire et la fable sem*
blent faire mention , voir ses vastes ports et les productions de
son fertile territoire. Les deux autres, que nous apercevions depuis
long-tems , piquaient notre curiosité par leur élévation , par les
bois qui les couvrent, par ce qu’ori nous racontait des peuplades
grecques qui les habitent. Mais ne trouvant point de navire dans
le port de Ténédos pour ces îles, et ne pouvant, au milieu de
l ’h iv e r , nous confier à un caïque, nous nous déterminâmes à profiter
d’un gros bateau ponté qui faisait voile pour Mitylène.
CHAPITRE
C H A P I T R E X X V .
Arrivée à Lesbos. Description de cette île. Sa population
et son commerce.
N o r s partîmes de Ténédos le 24 pluviôse à huit heures du matin,
avec un petit vent de nord. Nous longeâmes la côte d’A sie, et nous
nous trouvâmes à midi au cap B a b a , autrefois le promontoire
L ecto s. Notre patron nous aurait permis de descendre à la ville
située à l’est du cap, s’il n’avait craint de ne pouvoir arriver avant
la nuit au port Pétra. II consentit cependant à suivre encore
quelque tems la côte, que nous voulions observer.
La ville, située au bord de la mer, sur un terrain en pente, a
un petit port pour des bateaux : les vaisseaux et les navires que
le vent de nord contrarie, mouillent quelquefois à deux ou trois
encablures du port jusqu’à ce que le vent change. Il y avait ce
jour-là deux navires, l’un vénitien, l ’autre ragusais , qui attendaient
depuis plus de quinze jours, à l ’abri du cap , le retour du
vent de sud pour entrer dans l ’Hellespont et se rendre à Constantinople.
Baba nous a paru une fort petite ville : elle est très-renommée
en Turquie, pour les lames de couteau et de sabre qu’on y fabrique
à l ’usage des Orientaux. On nous a dit qu’elle était peuplée d’autant
de Turcs que de Grecs : son territoire est assez bon, et fournit
les mêmes productions que celui de la Troade.
La côte, depuis le cap jusqu’à l’endroit où nous la quittâmes ,
dans un espape de deux à trois lieues, nous parut volcanique : elle
est élevée, escarpée et rougeâtre. L ’intérieur des terres est montagneux
et boisé. Nous aperçûmes , en nous éloignant de la côte,
des cultures et des troupeaux qui annoncent encore quelques habi-
tans sur les ruines d'A sso s, ou aux environs de cette ville.
Comme lé soleil baissait, nous nous hâtâmes d’arriver au port
Pétra, dans lequel nous jetâmes l’ancre ayant la nuit. Ce port ou
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