de Fondocli, parce que les eaux, se portant avec impétuosité sur
la pointe avancée du sérail de Constantinople, elles s’y divisent :
une partie fait le tour du port, revient lé long de Has-keui, l ’arsenal,
Galata, Top-hana, et remonte ensuite à Fondocli et Bechik-
tache, tandis que l’autrè se porte immédiatement dans la mer de
Marmara. Cette séparation des eaux, ainsi que leur direction , est
bien plus apparente après une forte pluie, lorsqu’elles sont troublées
par la petite rivière qui vient se jeter au fond du port.
I Ce tournoiement des eaux du canal, réunies à celles de la petite
rivière dont je viens de parler, délivre le port de Constantinople ,
comme je l’ai dit ailleurs, des ordures que les Turcs viennent y
jeter , et balaie en même tems toutes les immondices que les eaux
de pluie y entraînent en hiver de toutes les parties de la ville, et
qui ne manqueraient pas de le combler un jour , parce que les
Turcs , peu susceptibles de prévoyance, ne feraient aucune dépense
pour son entretien.'
Nous voyions depuis long-tems des compagnies d’oiseaux passant
et repassant sans cesse vers le milieu du canal, en rasant la
surface de l’eau et volant avec la plus grande vîtesse. Les Euro-,
péens les désignent sous le nom d'âmes damnées , parce qu’ils
croient voir en eux des êtres inquiets, tourmentés du désir de se
porter sans cesse de la Mer-Noiré dans la Méditerranée, et de
celle-ci dans la première. Dès que nous eûmes dépassé le premier,
château, nous dîmes à nos bateliers de s’éloigner de, la Cote , et
de s’avancer vers le milieu du canal. Notre intention était de tirer
sur ces oiseaux, afin de les connaître et den conserver quelques-,
uns. Nous les eûmes bientôt atteints : ils passaient assez près- du
caïque sur lequel nous étions, pour nous permettre d en tuer plusieurs
à chaque coup de fusil. Les bateliers étaient turcs : ils ¡ramèrent
d’abord sans répugnance sur les oiseaux que le premier,
coup de fusil avait abattus ; mais pàrce que'nous ne voulûmes
pas leur permettre deieur couper le cou, ce qui aurait trop endommagé
le plumage, nous eûmes la plus grande peine de les faire
ramer ensuite sur ceux qu’un second coup , avait fait tomber.; de
sorte que , partageant bientôt nous-mêmes la compassion que la
vue
vue de Ces oiseaux luttant Contre la mort dévait inspirer à tous ,
nous les étouffâmes bien vite et nous nous contentâmes d’én prendre
quatre. Nous les enveloppâmes dans un linge pour les dérober à la
vue de nos mariniers et pour conserver le plumage ; après quoi
nous nous dirigeâmes de nouveau sur la côte d’Europe.
. Les Musulmans, par un sentiment de pitié ou de religion, sont
dans l’usage de couper le cou ou de trancher la tête à tous les animaux
qu’ils abattent d’un coup de fusil où autrement, lors même
qu’ils sont tout-à-fait morts. Cet usage est si généralement et si
religieusement observé, que, dans les différentes régions que nous
avons parcourues, nous avons rarement pu obtenir, même à prix
d ’argent, que l ’on ne coupât point le cou aux oiseaux que l’on
nous apportait ; et lorsque nous étions présens, il nous était souvent
bien difficile de l’empêcher.
L ’oiseau que nous venions de prendre est une légère variété du
pétrel puffin ( procellaria puffinus ). Il en diffère par la taille un
peu plus petite, et par le bec tout noir. Il fait son nid sur les bords
de la Mer-Noire, au rapport des marins, et ne vit guère que de
poissons. Sa chair n’est pas bonne à manger.
Nous eûmes bientôt atteint la pointe de Yéni-keui, d’où nous
eûmes la charmante vue de Tarapia et de Buyùk-déré. Arrivés
devant Tarapia, notre vue se porta avec plaisir sur la Mer-Noire,
que nous découvrions à plus de deux lieues de distance : notre
imagination en mesurait déjà.l’étendue; déjà nous étions impatiens
d’en parcourir le rivage; et „nouveaux Argonautes; nous formions
déjà le projet d’enlever à ces contrées toutes les productions de la
nature, pour les transporter dans notre patrie.r Les circonstances-,
comme on le verra, ont un peu contrarié nos projets, et nous ont
forcé de porter nos premiers pas dans des régions plus connues,
plus fréquentées, mais nbn moins intéressantes, ' ¡
Nous arrivâmes de .bonne heure à ‘Büyük-déré : . c’était un jour
de fête. Dans la soirée , nous voulûmes nous promener dans la
prairie, et voir le fameux platane dont on npus parlait depuis
long-tems, et dont quelques voyageurs nous ont donné une légère
description'. Sept à huit arbres d’une énorme grosseur, adhérens à
I