Quoique les eaux de l ’anse et du marécage dont nous venons de
parler, soient fortement colorées par les exhalaisons et les matières
qui se détachent probablement du fond ; quoique ce lieu soit bien
certainement un foyer de volcan qui peut-être ne tardera pas à
se manifester par quelque explosion nouvelle, les eaux cependant
ne nous ont pas paru chaudes : il est vrai que nous n’avons pu en
juger que par le contact de la main. Nous avions laissé n o v
thermomètres à Phira. Nous avons également remarqué sur la
côte orientale de Hiéra quelques enfoncemens où l’eau paraissait
de même légèrement colorée ; et sur presque tout le rivage de ces
trois îles on voit une matièrè ferrugineuse qui s’y dépose et qui
teint les pierres en un beau rouge foncé.
L ’île Hiéra ou la vieille Camène a plus d’un mille de longueur :
elle paraît n’ê tre, comme les deux précédentes, qu’une masse
sans couches régulières, de matières volcaniques et surtout de
rochers de basalte. Elle est couverte d’un peu de terre mélangée de
pierres-ponces et de cendres volcaniques, qui a donne lieu à la
végétation qui s’y est établie depuis long-tems. Cette île est déserte
et inculte. Dans la belle saison seulement on y envoie paître des
ânes et des mulets. Nous croyons que la vigne et l ’olivier y
croîtraient assez b ien, et que plusieurs familles pourraient y vivre
du produit de la terre. Il n’y a encore aucune trace de végétation
sur la partie marquée^D) '• elle est moins élevee que le reste de 1 île,
et paraît évidemment de formation plus moderne. Ce ne sont que
fragmens de basalte, sur lesquels il ne s’est point formé encore de
couche terreuse, et l ’époque même en doit être éloignée , à moins
que quelque nouvelle explosion ne recouvre ces rochers, de cendres
volcaniques qui puissent favoriser la végétation.
On remarque sur Hiéra, des fentes assez considérables, qui
se dirigent dans sa longueur, et qui se prolongent presque d’une
extrémité à l ’autre. Elles o n t été sans doute occasionées 'par' les
tremblemens dp terre qui ont eu lieu très - souvent dans ces
contrées.
Il est teins de parler de la formation des trois îles volcaniques
qui se trouvent dans la rade de Santorin, dont les époques sont
assez
assez bien marquées, soit dans les auteurs anciens, soit dans
quelques modernes.
Tournefort n’a pas assez bien observé que les deux îles Thérasia
et Aspronisi ont dû faire partie de la grande, et que les deux
Gâmènes, la vieille et la petite , qui existaient de son tems ,
paraissent, même au premier coup - d’oe il, de formation plus
moderne que les autres. Thérasia, sur laquelle Ptolomée place
une ville, et que Pline:conjecture, avec fondement, avoir été
détachée de Théra, ne peut être prise pour Aspronisi, ni celle-ci
pour l’autre, comme le croit Tournefort. Aspronisi n’est pas assez
considérable pour qu’il y ait jamais eu le moindre petit village,
la moindre habitation , tandis que Thérasia a assez d’étendue, et
son territoire est assez bon pour qu’il y ait toujours eu une v ille ,
ainsi qu’on en . voit encore une aujourd’hui. Tournefort ajoute
que Thérasia portait alors le nom d’Hiéra. La position, d’après
les auteurs, de l’île Hiéra, entre Théra et Thérasia, ne laisse
aucun doute, et démontre que Tournefort s’est trompé. Les habi-
tans de Santorin, d’ailleurs, que l’on doit regarder comme autorité
dans ce cas, nomment encore ces îles ainsi que nous les avons
marquées sur la carte, l’une Thérasia, l’autre A spronisi, et la
troisième P a la ia - Cdimèni.
L ’île Hiéra ou Sacrée fut dédiée aux dieux des enfers, parce
qu’on l ’avait vue sortir embrasée du fond de la mer par l ’effet
d’un volcan. Pline dit que cet événement eut lieu cent trente ans
après celui qui avait séparé Théra de Thérasia. M. de Choiseul
prétend, d’après le P. Hardouin, qu’il y a erreur dans les dates,
et que ce ne fut que quarante ans après que parut l’île Hiéra.
•Briétius dit qu’en l ’année 47, il s’éleva tout-à-coup du fond de
la mer, près de Théra, une petite île qu’on n’avait point encore
vue (î).
(i) Hoc anno ( Christi 47 ) juxta Theram insulam J parva insula ante non
visa , repenti apparuitj mare enim hoc .AI7.g a in in hac parte sui , fertile fu it
novarum insularum subindè exfundo cequoris erumpentium. B r i e t . Ann. mundi.
Venet. -1692. tom. 2 , p. 63.
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