d’autant plus nécessaire, qu’il en existe une en Turquie, qui déclare
rayas ou sujets tributaires les enfans des Européens qui
naissent d’une Grecque ou d’une Arméniène sujète du grand-
seigneur.
Outre que la femme, née en Levant, préfère l’indolence orientale
aux soins du ménage, et qu’elle consomme en frivolités, en
parure, en bijoux, des sommes considérables, elle a ordinairement
si peu d’attachement et de reconnaissance pour celui à qui elle doit
l ’aisance et le repos, qu’elle ne néglige r ien , à l’exemple des Musulmanes
, pour lui soustraire ses économies et lui ôter les moyens
de revenir dans sa patrie. Le mari, ne pouvant jamais engager sa
femme à le suivre , à renoncer aux sofas, aux bains d’étuves et
aux usages qu’elle a contractés dès son enfance, prend lui-même
peu à peu les habitudes du pays. La paresse le gagne, la vieillesse
survient, la mort l'enlève : sa famille renonce à jamais à la mère-
patrie, Elle l ’oublierait même bientôt si son intérêt ne l ’invitait à
conserver la protection dont le père jouissait..
Les drogmans n’étaient pas ordinairement compris dans cette
défense, parce qu’on les regardait sans doute comme expatriés pour
toujours, tandis que le négociant devait retourner en France après
douze, quinze ou vingt années de travaux, et y verser laio rtune
qu’il ne manquait pas d’y faire lorsqu’il se conduisait avec intelligence
et économie (1).
Nous avons'été bien surpris , en arrivant à Constantinople et
dans les Échelles, de trouver partout un grand nombre d’ouvriers
français qui avaient apporté dans ces contrées les arts de l’Enrope,
et qui jouissaient, sous la protection de l’ambassadeur et des agens
de la République., du produit de leur industrie sans payer n i taxes
ni impôts. Si ces ouvriers et ces artistes ne s’expatriaient que pour
acquérir des ;richesses et revenir tôt ou tard les verser dans leur
Çi) !On envoyait dans les. maisons de commerce du Levant les jeunes gens à Page
de quinze et dix-huit ans; la plupart étaient régisseurs à vingt-cinq1 : dix années
heur suffisaient pour faire une fortune qui leur permettait de revenir en Frau.ee et
de-s’y marier.
patrie, s’ils ne portaient au commerce et à l’industrie nationale un
dommage considérable en apprenant aux Turcs à se passer de noua,
en établissant nos ateliers, nos manufactures chez eu x , certainement
ils mériteraient qu’nn ambassadeur les fît jouir de tous les
avantages accordés aux négocians.
Mais qu’ils sont loin de ressembler à ces hommes estimables qui
loin de leur patrie,.se vouent à un travail pénible, qui souscrivent
à passer les plus belles années de leur vie parmi des barbares, qui
se voient exposés au fer des assasisins, aux incendies, à la peste et
à la maligne influence de quelques contrées marécageuses, dans la
vue d’çtablir entre la Turquie et la France un commerce d’échanges
extrêmement avantageux, commerce qui vivifie nos ateliers, accroît
notre population, forme un grand nombre de matelots, répand
l’abondance dans quelques points et l’aisance partout l
L ’ouvrier français y en portant préjudice h sa patrie , traîne dans
le Levant une existence malheureuse. Ses profits sont très-bornés,
et il acquiert très-rarement, par un travail obstiné et la pjus grande
économie , de quoi pouvoir revenir dans sa patrie. L ’ouvrier
d ’ailleurs, entraîné quelquefois dans les tripots, dans les tavernes,
peut compromettre dans les Èchqlles et k Constantinople même ,
le sort de tous les Français, dans un moment <1 ivresse ou dans un
de ces accès de colère que fera naître en lui une offense un peu
grave.
Pour son propre avantage, l’ouvrier doit être renvoyé dans sa
patrie, à moins que son séjour au Levant ne soit reconnu utile à
l’ambassadeur et à la France 5 et s’il refusait de partir, on doit,
sans qu’il ait à se plaindre , lui refuser «ne protection qu’il ne
mérite pas.
L ’ignorance des Orientaux dans l ’art de la navigation, e t.la
crainte surtout des corsaires maltais , avaient de tous les teins porté
les Turcs à se servir desjiayires ÿéniüens,.r^gusaiset françaisjxmr
le transport de leurs marchandises d’une ville à l ’autre. Ils avaient
aussi recours à des bateaux du pays .; mais iis préféraient alors ceux
des Grecs qui avaient obtenu un sauf-conduit des archevêques de
Syra et de Naxos.