ont perdu une grande partie de leur voûte. Ces arsenaux, au
nombre de d ix , ne sont à proprement parler que des chantiers que
ce peuple industrieux et commerçant avait élevés pour y construire
des galères, et pour les y remiser lorsqu’elles étaient désarmées.
On entre du port dans la ville par une porte que l’on ferme
à la nuit. Des murs solidement construits, un bon fossé et des
ouvrages avancés défendent très-bien cette place par terre. Les
maisons sontji mieux bâties que toutes celles que nous avons vues
jusqu’à présent, si nous en exceptons Scio ; mais la population n’y
est pas en proportion de son étendue. On y compte à peine dix à
douze mille T u rcs , deux où trois mille Grecs et environ- soixante
Juifs. Les Grecs qui l’habitaient avant qu’elle fût soumise aux
Turcs, suivirent les Vénitiens lors de la capitulation , ou se sauvèrent
dans l’intérieur des terres. Ils ne viennent aujourd’hui
s’établir qu’en tremblant dans une ville où leur existence est sans,
cesse menacée par les janissaires, et leur fortune très - souvent
envahie par les pachas.
Candie est située sur un plateau peu' élevé. Le terrain , soutenu
du côté de la mer par une forte muraille bâtie sur des rochers,
offre une promenade agréable. On y voit plusieurs canons aux
armes de Venise, capables de défendre par mer les approches de
la place. Le sérail du pacha se trouve du côté opposé, et occupe
le lieu sur lequel était bâti le palais du provéditeur. Les plus belles
églises, endommagées par le siège, ont été réparées et converties
en mosquées. Les maisons construites par lés Vénitiens ont disparu
depuis long-tems ; mais les fortifications ont été entretenues
avec so in , tant la Porte met d’importance à la conservation
de l’île.
- Nous n’entreprendrons pas de décider si Candie occupe le site
de l’ancienne Gytoeum, comme quelques géographes paraissent le
croire, ou celle de M atium , ainsi que le supposent quelques autres :
nous dirons seulement, d’après les lieux que nous avons visités
avec soin dans un second vo yag e, qu’il nous paraît plus convenable
de regarder les ruines d’une ville située à quatre lieues à
l ’ouest, comme celle de Cytoeum. Nous placerons Matium à deux
lieues
lieues à l’est de Candie, en face de D ia , comme le dit Pline. Héra-
clée, que l ’on sait avoir été le port de Cnosse, existe encore à quatre
ou cinq lieues à l’est. Celui de Candie, le meilleur de toute la côte,
nous paraît être, dans cette supposition, le port Panorme, situé,
selon Ptolomée, entre Cytoeurn et H éraclée.
Le nom de Candie, que cette ville porte aujourd’h u i, vient du
mot sarrasin chandax ou ca n d a x , qui signifie retranchement,
parce que ce fut en cet endroit que se retranchèrent les Sarrasins
lorsqu’ils vinrent faire la conquête de l ’î le , sous l ’empereur
Michel I I , surnommé le Bègue.
Lès Turcs s’emparèrent en i 645, de la Canée, de Réthymo èt
de toute l’île de Crète ; mais ils ne purent se rendre maîtres des
forts de Grabuse, de la Sude, de Spina - Longa et de la ville de
Candie. Mahomet IV , qui sentait qu’il ne serait jamais tranquille
possesseur de cette île importante* tant que les Vénitiens occuperaient
la capitale, envoya, en 1667, son visir Achmet Kuperli,
avec une armée considérable pour en faire le siège. Les Vénitiens,
toujours maîtres du port et de la mer, conservèrent la faculté de
faire passer des secours en tout genre, et la place, bien fortifiée et
vigoureusement défendue, était capable de résister long-tems à tous
les efforts de l’Empire othoman.
L ’armée des assiégeans avait été plusiéurs fois renforcée : déjà
l ’on comptait plus de cent mille Turcs qui avaient péri au pied
des murs par le feu de la place ou l’explosion des mines. Il arrivait
aux Vénitiens un nouveau secours de la part de la France,
qui aurait sans doute obligé les Turcs de se retirer, lorsque la v ille ,
sous les ordres de Morosini, capitula par la ruse d’un Grec au service
de la Porte, après deux ans et demi de siège et la perte de
trente mille hommes vénitiens, piémontais et français.
Lorsque nous arrivâmes à. Candie,-le vice-.consulat était vacant.
Nous ne trouvâmes qu’un simple agent, à.qui nous fîmes part du
projet que nous avions de parcourir la partie orientale et moyenne
de l’île avant de nous rendre à Réthymo e tà la Canée. Le drogman,
Juif de nation, plus officieux que nous n’aurions voulu, vint nous
invitér le lendemain de notre arrivée, d’aller chez le pacha pour
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