assez bien montés, dont le bonnet, de forme conique, est garni
en dehors de fer-blanc et de grelots. Nous avons appris que leur
fonction est de courir dans les rangs pour faire ranger les soldats,
les exciter au combat et arrêter les fuyards.
On a trop diversement parlé en Europe de Pasvan-Oglou, et
trop peu connu l’origine de sa révolte, pour que nous passions
sous silence les notions que nous avons recueillies à son égard.
Oglou, en turc, signifie fils : Pasvan-Oglou, c’est-à-dire, fils de
Pasvan. Le père était ayam ou notable de Vidine ; il était riche, et
il jouissait d’une grande considération parmi ses concitoyens. Il
commandait une troupe de volontaires dans la dernière guerre
des Turcs contre les Russes et les Allemands. On croit que son
crédit et surtout ses richesses , portèrent le grand - visir, alors
séraskier de l’armée, à le faire arrêter et à lui faire trancher
la tête.
Pasvan-Oglou fut arrêté avec son père , détenu pendant quelque
tems, après quoi il obtint sa liberté et une faible partie des biens
qu’il aurait dû posséder. Il se retira à Vidine, méditant de tirer
une vengeance éclatante, non-seulement de la mort de son pè re,
mais encore de l’injustice commise à son égard. L ’occasion ne
tarda pas à se montrer, et en homme encore plus habile que
courrouce, il a su tirer des événemens le parti le plus convenable
à ses projets.
Sous les règnes de Mustapha III et d’Abdul-Hamid, on avait
formé à Constantinople des compagnies de canoniers et de bombardiers
: on avait élevé quelques batteries à l ’entrée de l’Helles-
pont et du Bosphore : on avait établi à l’arsenal une école de
navigation à côté de celle de mathématiques ; on s’occupait de la
marine militaire ; on voulait en un mot réparer les pertes occa-
sionées par les défaites successives des armées otliomanes, mais
on était bien loin d’avoir atteint ce but lorsque Selim III monta
sur le trône. Extrêmement sensible à la perte de la Crimée, un
des greniers de Constantinople ; douloureusement affecté de se
voir menacé au sein même de la capitale, le premier mouvement
de Selim fut de donner une impulsion nouvelle à ces établissemens ;
ses
ses premiers regards furent dirigés vers la marine militaire, ses
souhaits les plus ardens furent d’organiser peu à peu une armée
à l ’instar de celle de ses ennemis; et moins jaloux de son autorité,
que de la prospérité de ses États et du succès de ses armes, il
créa un conseil composé de douze personnes capables de l’éclairer
et de seconder ses vues bienfaisantes. Il établit en même tems un
impôt dont il affecta les produits aux nouveaux établissemens
militaires.
La supériorité des armes européènes et l’avantage inappréciable
qui résulte de la tactique, étaient reconnus par quelques Musulmans
que le génie et l’instruction élevaient au dessus des préjugés ;
mais il était difficile d’étouffer les clameurs d’un grand nombre
de personnes que ces projets contrariaient : il était difficile de les
faire adopter à un peuple ignorant, qui regarde comme criminelles
les innovations qui lui sont transmises par ceux qu’il nomme infidèles
; il était bien plus difficile peut-être d’empêcher l’effet de l ’or
sur les plus grands personnages de l’Empire.
Les janissaires étaient déchus de cette ancienne énergie qui les
avait rendus si long-tems redoutables : on ne voyait plus parmi
eux ces bostangis endurcis aux travaux de la terre, capables de
braver les intempéries des saisons ; ces esclaves, ces enfans de
tribut, q u i, ne connaissant ni leurs parens ni leur patrie, servaient
avec enthousiasme, avec zèle la religion qu’ils avaient
embrassée et le maître qui les payait. Aujourd’hui, mutins et indisciplinés
, sans énergie et sans courage , plus redoutables à l’autorité
du souverain qu’aux ennemis de l’Etat, leur remplacement,
par une armée permanente instruite et disciplinée, présentait des
avantages incalculables. Le sultan dès-lors eût été moins exposé
aux agitations et aux mouvemens d’une populace irritée ; il eût pu
sans cesse disposer de ses forces, les porter sur les frontières pour
repousser l’ennemi, ou dans l’intérieur pour arrêter un rebelle,
soumettre une province révoltéé, détruire une armée de brigands;
il pouvait augmenter ses forces ou les réduire suivant les besoins
de l'État.
Les janissaires, extrêmement nombreux à la capitale, quoiqu’avilis,
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