fine l’officier russe n’avait pas dé grands moyens pécuniaires , et
que le soldat était à la ration. D'ailleurs , il parut fort à propos un
avis officieux du général ambassadeur, par lequel il prévenait qu’il
ne paierait pas les dettes de ses officiers., et que chacun devait se
tenir sur ses gardes. >
Les Français qui se trouvaient à Constantînople eurent besoin,
dans ces circonstances , dé se conduire avec prudence, et de montrer
néanmoins tout leur courage. La haine contre ceux qui étaient
restés fidèles à leur patrie , était au point que les domestiques de
1Jambassadeur , quelques soldats et la plupart des officiers russes les
insultaient dans les rues , et leur arrachaient la cocarde tricolore..
Un grand nombre de plaintes furent portées,. à ce sujet, à la Porte,
par la voie du citoyèn Descorches ,. sans qu’elle parût vouloir y-
apporter remède. La patience des Français se soutint pendant quelque
tems, mais enfin elle-eut un terme ; et quoiqu’ils ne fussent
pas alors deux cents , y compris les négoeians et leurs commis ,
gens ordinairemënt très-pacifiques , et que l ’ambassade fût composée
de huit cents personnes , le plus grand nombre résolut de
s’armer et de repousser par la force toute insulte qui leur serait
faite. Deux ou trois coups de pistolets chargés seulement à poudre,,
tirés à propos sur des officiers:, la proposition faite à ceux quir
montraient le plus d’audace , de mettre Pépée à la mam , firent
bientôt cesser toute insulte, et paraître un ordre du général ambassadeur
, de ne- plus provoquer des hommes si vifs et si pétulans.
'Nous vîmes arriver, peu de tems après , un baladin allemand u
èxcellent écuyer , qui crut faire fortune chez les Turcs , en établissant
, à l’extrémité de la rue de Péra , une salle de spectacle.
Ce projet parut peu sensé à ceux qui connaissaient les moeurs orientales
et les effets prompts et terribles de la peste. On était persuadé
qu’il ne réussirait pas ; mais on ne s’attendait guère que l’in-
ternonce d’Allemagne voudrait s’arroger la police de ce spectacle ,
et qu’il défendrait à son protégé d’y recevoir aucun individu portant
cocarde tricolore. Les plaisanteries auxquelles cette conduite
ridicule donna lieu , engagèrent bientôt l ’internonce à la désavouer-
Le baladin, de son cô té , effrayé de la modicité des premières
O T H O M A N , C H A P . IL îS
Recettes, fit publiquement amende-honorable, et ne négligea aucun
moyen de réparer les pertésquesa soumission aux ordres qu’il avait
reçus lui avait d’abord occa-sionées.
Cë qui contribuait, d’une p a r t, à l’insolence de quelques agens de
Catherine et de François , et de l’autre à la conduite faible et vacillante
de la P o rte ,, c’est que Toulon venait d’être livré aux Anglais,
et qu’on, se persuadait que les Jacobins ( c est ainsi qu on désignait
alors presque tous les Français ) seraient bientôt punis de leur
audace. Heureusement Toulon fut repris , et alors la Porte parut
vouloir nous protéger un peu plus efficacement.
Si les Russes et les Allemands de ces deux légations se conduisaient,
à cette époque, avec la plus grande indécence envers nous ,
et d’une manière bien peu digne du rang qu’ils occupaient, il faut
avouer qu’il n’en était pas de même de la plupart des autres légations
; et si nous ne craignions de les compromettre auprès de leur
gouvernement, nous pourrions citer un grand nombre de personnes
qui voyaient avec plaisir les efforts que faisaient les Français
pour abattre le trône et se donner un gouvernement libre e t
constitué