mêmes leurs drapeaux, ils ne manquent pas de prétextes pour
les quitter ayant la fin de la campagne et retourner dans leur®
foyers.
Les cultivateurs sont libres et indépendans, moyennant la redevance
4 laquelle ils sont soumis ; ils peuvent établir telle culture
qu’ils jugent la plus convenable à leurs intérêts , sans que l’aga ait
le droit de les inquiéter ; mais trop souvent celui-ci abuse de son
crédit, de ses richesses, et surtout de la police qu’il exerce dans
son village. Il exige , la verge à la main, pour les terrains particuliers
qu’il possède, le travail gratuit des cultivateurs : il se fait
vendre les denrées, le vin excepté (1 ) , au prix qu’il détermine lui-
même ; il fait les avances du karatch (2) à un intérêt extrêmement
usuraire ; il tourmente, en un m o t, de mille manières les Grecs ,
les Arméniens et les Juifs de son village ; mais il est plus réservé
vis-à-vis les Musulmans, parce que les plaintes de ceux-ci sont
toujours plus favorablement écoutées, parce qu’il serait infailliblement
dépossédé èt même plus sévèrement puni si tous les Turcs du
v illa g e , protégés ou soutenus par quelque ennemi puissant de
l’a g a , se soulevaient à la fois et demandaient justice.
Il y a dans tout l’Empire deux sortes de troupes organisées, l ’une
de cavalerie et l’autre d’infanterie, les spahis et les janissaires. Les
premiers sont répandus dans les villes , et plus particulièrement
dans lés campagnes : ils sont presque tous mariés et domiciliés ; ils
exercent divers états ou se livrent quelquefois à la culture des
terres ; ils reçoivent -une paye journalière, ont leurs officiers, et
se réunissent au premier ordre, armés , équipés, sous les drapeaux
de leur arrondissement.
Les spahis sont plus anciens que les janissaires : ils ont une paye
plus fo r te , et sont censés être des fils de Musulmans dans une
certaine aisance 5 ils combattent sous les mêmes enseignes que les
ziamets etles timariots, et devraient leur succéder dans la possession
(1) Il est défendu aux Musulmans de faire du r in , d’en boire et d’en acheter.
(a) Capitation ou imposition personnelle à laquelle les non-Musulmans sont
soumis.
de
de leurs fiefs si l’on respectait davantage les réglemens des premiers'
sultans, ou si l ’on Consultait un peu plus l’intérêt national. '
■ Sous les' premiers sultans, les spahis formaient la principale
force des armées othomanes. Presque toujours sous les drapeaux,
familiarisés aux exercices"militaires, endurcis aux fatigues de la.;
guerre, stimulés par l’intérêt, la gloire, le fanatisme religieux et.
par l’exemple du sultan, il n’est pas surprenant que rien ne résistât
à leurs armes, et que les Grecs, amollis par le luxe et les richesses
uniquement occupés d’intrigues et de questions théologiques, ne
fussent aussitôt soumis que vaincus.
Sous lé règne d’Amurat Ier. on commença à prélever un cin--
qùième de tous les prisonniers pour en former un nouveau corps
de troupes d’infanterie, sous le nom de y en itch e ri, janissaires,
ou nouvelle milice. Les besoins de la guerre ensuite firent paraître
une autre loi qui incorporait à ce corps un dixième des enfans des
Chrétiens, et qui fut en vigueur jusqu’au règne d’Amurat IV. Sous
celui de Soliman Ier. il y avait déjà cent soixante-une odas (1) de
janissaires à Constantinople, dont chacune contenait depuis trois
jusqu’à cinq cents hommes. |
- On ne reçoit à présent, dans cette milice, que des Musulmans :
elle est répandue et organisée dans toutes les villes. Ceux qui s’y
font inscrire, reçoivent une paye journalière, et joignent leurs drapeaux
toutes les fois qu’ils en sont requis. Dans les grandes villes et
dans les forteresses, ils sont divisés par chambrées ; ils sont soumis
à des patrouilles , à diverses expéditions, à la garde des portes ,
etc. La plupart sont mariés, domiciliés, et exercent divers états.
Ceux-ci renoncent à tout avancement, et se'dispensent ordinairement
, sous divers prétextes, de joindre leurs drapeaux.
Beaucoup de personnes riches, dans lés villes, s’enrôlent parmi
les janissaires , dans la vue seulement d’être plus efficacement pror
tégés, et de jouir de tous les privilèges, attachés àme corps. Ils ne
reçoivent point de p a y e , et se dispensent facilement, m oyennant
quelque argent , de tout, service militaire.
(1) Oda, chambrée ou compagnie.
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