C H A P I T R E X X X I I I .
fE te n d u e e t p o p u la tio n d e l ’ile d e C rète. D é ta ils s u r les
p r o d u its d e c h a q u e p r o v in c e . P la n te s d o n t'le s h a b ita n s
f o n t u sa g e . H is to ir e n a tu re lle .
L ’ î l e de Crète a environ soixante lieues ou trente myriamètres,
depuis sa côte la plus occidentale jusqu’au cap Samonium, situé à
la partie la plus orientale. Sa plus grande largeur, en passant
par le mont Ida, est d’environ treize lieues. Il n’y en a que trois
du fond du golfe Mirabel jusqu’à Hiéra-Pétra, et six ou sept depuis
Réthymo jusqu’à l ’emboucliure du ruisseau nommé M égalo-
Potamo : mais lorsqu’on voyage à cheval, les détours qu’on est
obligé de faire à cause des montagnes, rendent partout le chemin
une fois plus long, outre qu’il est extrêmement pénible.
La côte nord est beaucoup plus sinueuse que la côte sud : elle
a un plus grand nombre de ports et de rades : on y trouve dés
mouillages excellens, tandis que la côte sud n’offre que quelques
points où l ’on peut jeter l ’ancre avec sûreté.
Les rivières ne sont pour ainsi dire que des torrens grossis en
hiver par les pluies, et au printems par la fonte des neiges : peu
d’entr’elles conservent toute l’année une partie de leurs eaux;
mais l’on voit une assez grande quantité de sources, dont les
habitans se servent pour l’arrosement des terres. Il est vrai que la
plupart de ces sources jaillissent si près du rivage de la mer, qu’il
est presqu’impossible de les employer à cet usage.
Suivant les registres du percepteur du karatch, la population
des Grecs doit être évaluée à cent vingt mille , car on compte
environ quarante mille hommes payant cet impôt. Si l’on considère
ensuite le grand nombre de janissaires inscrits dans les villes, et
si l’on fait attention que quelques villages sont presqu’entièrement
peuplés de Turcs ou mi-partis de Turcs et de Grecs, on sera porté
à croire qu’il y a à peu près dans l ’île autant des uns que des
autres,
autres, et que le total de la population est de deux cent quarante
mille habitans.
S’i l faut en croire les négocians qui ont vieilli dans leurs comptoirs,
et qui ont porté dans leur commerce un oeil observateur, le
nombre des Grecs diminue insensiblement par l ’effet de la servitude,
par les émigrations, par le découragement du cultivateur,
par les avanies continuelles qu’ils éprouvent. La misère en fait
périr d’épuisement : elle tue surtout beaucoup d’enfans ; die
s’oppose à l’union des deux sexes. On peut présumer que si la Porte
ne change de système à l’égard des non-Musulmans, si elle ne se
décide promptement 4 les protéger contre ses agens, la population
des Grecs disparaîtra des lieux occupés par les Turcs, ou'ceux-ci
seront chassés du continent européen à la première occasion qui
se présentera.
Nous avons dit que l’île était divisée en trois gouvernemens
subdivisés en districts ou provinces : nous allons jeter un coup-
d’oeil sur les productions de chacun d’eux en particulier. -
On trouve à la partie la plus occidentale, Kissamos.au nord et
Sélino au sud, qui divisent en deux portions le terrain compris
dans cet espace. Kissamos , dont le nom s’est conservé jusqu’à
nous sans altération, était autrefois le port d’Aptère ; c’est aujourd’hui
une petite ville qui serait assez importante si les pachas
n’avaient prohibé l ’exportation des denrées-de l’île, excepté du-
chef-lieu de leur gouvernement. '
, Cette province est une des mieux cultivées et des plus productives
de l ’île : elle fournit une assez grande quantité d’huile et de vin;
elle produit du miel, de la cire et de la soie : on y récolte fort peu
d’orge et de blé. La plupart de'ses montagnes, sont boisées : on y
trouve épars beaucoup de chênes et d’yeuses, dont les glands permettent
aux Grecs d’élever une assez grande quantité de porcs. On
y voit aussi beaucoup de caroubiers, dont les fruits sont transportés"
à la Camée. Au dessus du village de Nomalo, situé sur le premier
chaînon des monts Blancs, il y a une forêt assez considérable de
chênes, d’où l’on retire la majeure partie du bois et du charbon
qui se consomment à la Canée.
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