deux ou trois mille Grecs, cent cinquante Juifs, quatre maisons
françaises et quelques maisons italiennes : ces dernières sont sous
la protection de l ’empereur d’Allemagne ou de la République de
Raguse.
L a ville est entourée d’une forte muraille et d’un large fossé :
elle n’a qu’une porte du côté de la terre. Le port est défendu par
quelques batteries en bon état. On y remarque à gauche , en
entrant, une jetée parallèle à la côte, derrière laquelle un assez,
grand nombre de navires pourrait mouiller si le fond était creusé.
Les plus gros sont obligés de se tenir vers l ’entrée du port, exposés
aux vagues d’une mer agitée lorsque les vents de nord soufflent
avec un peu de violence.
En face de la jetée on v o it, comme à Candie, une rangée de
chantiers voûtés, que les Vénitiens avaient élevés pour construire
et remiser leurs galères.
La Canée résista à peine quelques jours aux Turcs, qui vinrent
l’attaquer en i 645. Cornaro, qui commandait les troupes vénitiennes,
en sortit avec armes et bagages pour se retirer à Réthymo,
où il fut tué peu de tems après en voulant défendre cette v ille ,
bien moins importante et bien moins capable de résister que la
Canée.
Les premières montagnes, parallèles à la côte, laissent entr’elles
et la mer une plaine de plus d’une lieue de largeur, qui s’étend
dans un espace de douze à quinze milles, depuis le fond du golfe
de la Sude jusqu’aux environs de Dictymne , montagne qui se
prolonge au nord, et va former le promontoire avancé qui portait
autrefois le même nom, et que les Italiens désignent aujourd’hui
Sous celui de Capo-Spada ou Cap-Épée. Cette plaine est en général
assez fertile et presque toute cultivée. Des jardins d’orangers, des
forêts d’oliviers, quelques vignes éparses, des champs destinés à la
culture du b lé , de l ’o rg e , du coton, du sésame, du mais, du
melon et de divers légumes, voilà ce qu’elle offre partout.
En suivant les bords de la mer à l ’occident de la ville , on
traverse un ruisseau bourbeux, puis on voit près la côte un écueil
et la petite de déserte de Saint-Théodore, sur laquelle les Vénitien»
avaient élevé une batterie pour empêcher une descente sur la
plage. Lorsqu’on a dépassé l’île on arrive à Platania, promenade
étendue, solitaire et agreste, où croissent naturellement des platanes
qui étonnent par leur grosseur et par leur nombre. Chacun
d’eux soutient un ou plusieurs ceps de vigne, dont les rameaux
embrassent toute l’étendue de l ’arbre, et fournissent en abondance,
sans soins et sans culture, des raisins à gros grains, d’une
excellente qualité. Comme ils mûrissent fort tard- dans ces lieux
ombragés , on les voit arriver avec plaisir aux marchés de la
Canée, lorsque les autres commencent à disparaître. Une petite
rivière arrose et parcourt cette agréable forêt , et vient y répandre
la vie et la fraîcheur.
Nous étions depuis quelque tems à la Canée : nous avions déjà
parcouru les environs de la ville, et cueilli sur les montagnes le
dictame, l ’ébénier de Crète et la plupart des plantes intéressantes
de l ’île : nous avions assisté à des fêtes villageoises, lorsqu’on nous
proposa d’aller voir les ruines de P aleo-castro, que nous soupçonnions
être celles & A p tè r e , d’après le rapport de quelques
voyageurs.
Après une heure et demie de marche, nous arrivâmes au monastère
grec, A yia K ir ia k i, situé au sud-ouest de la Canee. Nous
y laissâmes nos montures, et nous prîmes un guide pour nous
conduire aux ruines que nous desirions parcourir. Nous montâmes
par un très-mauvais chemin, sur une roche escarpée, faisant partie
de la première chaîne de montagnes que nous avons dit etre parallèles
à la côte. Nous parvînmes bientôt à un mur épais qui nous
conduisit à un plateau sur lequel nous remarquâmes les restes
'd’un fort presque carré, flanqué de tours. Les murailles de -ce fort,
ainsi que celles des remparts dont la ville était entouree , ont
près d’une toise d’épaisseur. Elles étaient solidement construites,
«et revêtues de pierres de taille que l’on aperçoit encore en quelques
«endroits.
Nous sortîmes de cette enceinte par le mur du sud, et nous nous
trouvâmes sur un terrain dominé par une chaîne de rochers plus
é lev és, pins escarpés que ceux sur lesquels le fort était assis. Cet
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