m esjids, n’ont pas besoin de khatib, parce qu’elles n’ont pas le
droit de célébrer la prière solennelle du vendredi.
On ne connaît pas en Turquie cette multitude d’avocats, de
procureurs, de clercs, d’huissiers, de juges en première, seconde,
troisième instance, qui multiplient en Europe, à l’infini, les frais
d’un procès , et cette chicane, ces subtilités, ces formes, ces délais,
ces appels qui les rendent interminables : on n’y connaît pas non
plus ces défenseurs officieux, souvent pires que les avocats et les
procureurs qu’ils ont remplacés parmi nous, et dont l ’avide cupidité
ne laisse quelquefois à l’homme trop simple ou trop confiant,
que des larmes à répandre et des regrets à exprimer.
Un mékemé ou tribunal de justice est composé d’un juge molla,
cadi ou naïb, et d’un ou de plusieurs écrivains. Presque toutes les
affaires, tant civiles que criminelles, sont jugées d’après la déposition
de deux ou de plusieurs témoins. Tout écrit n’a de valeur,
et n’est point admis en justice s’il ne porte la signature ou le cachet
de deux personnes connues et domiciliées. Les parties se présentent
elles-mêmes , plaident leur cause et sont jugées sans appel, et sans
autres frais que le dix pour cent de la somme ou de la valeur contestée.
Le juge s’attribue une amende plus ou jnoins forte, lorsqu’il
n’est point question d’affaire d’intérêt : et pour qu’il ne puisse pas
perdre ses honoraires, c’est toujours celui qui gagne son procès qui
en paie les frais.
Dans un pays où les lois sont simples et peu nombreuses, où
les droits de tous sont tracés dans un livre censé écrit de la main
de l ’envoyé de D ieu, les procès doivent .être peu compliqués, assez
rares, faciles à éviter. Chacun connaît l’étendue de ses devoirs et
les limites de ses droits. Chacun peut être son propre juge, lorsqu’il
ne cède pas à un penchant vicieux, lorsqu’il n’est pas entraîné par
la mauvaise foi. :
Mais il faut avouer que si les, procès sont plus rares et moins
coûteux que parmi nous, si le même jour qui voit naître une contestation
, la voit pour ainsi dire terminée, la justice n’y est pas
pour cela mieux rendue : la vénalité de tous les emplois a introduit
dans tous les états et dans toutes les classes des habitans de ce.t
Empire, une avidité pour le gain et une corruption telle, que la
moindre grâce, le moindre service ne s’obtiennent que par des
présens. On achète la sentence du jugé et la déposition des témoins,
comme on achète un emploi, comme on achète la faveur de
l ’homme en place. Dans aucun pays de la Terre les faux témoins
ne sont si communs et si déhontés qu’en Tu rqu ie , et il est rare
qu’un cadi, qu’un molla soient assez courageux pour résister aux
volontés d’un pacha; aux instances d’un grand, et assez vertueux
pour dédaigner l’or qui leur est offert par les plaideurs.
Les Musulmans ont un tel mépris pour tous ceux qui professent
une religion différente de la leur, qu’ils n’admettent pas ordinairement
en témoignage, dans les affaires qui les concernent, les Juifs
et les Chrétiens, en opposition avec des témoins turcs ; ou s’ils les
admettent quelquefois, ils en font si peu de cas, que dix témoins,
parmi eu x , ne valent pas un seul témoin musulman. Il en est de
même des affaires qui ne les regardent pas : le témoignage d’un
Musulman ne peut, dans aucun cas, être balancé par celui de
plusieurs Juifs ou Chrétiens.
Tournefort s’est trompé, lorsqu’il a dit que l’on pouvait appeler
à Constantinople de la sentence d’un cadi : les Européens jouissent
seuls de cet avantage, lorsque la somme en litige excède 4000 aspres
Ou à peu près la valeur de 66 f r . , en supposant la piastre à 2 fr.
Dans toutes les villes de la Turquie, le molla, le cadi et le simple
naïb jugent sans appel : ils condamnent à des amendes, à des punitions
corporelles , à la mort , sans que le coupable ou l ’accusé
puisse recourir à un autre tribunal.
Les Européens ont encore l’avantage de ne payèrùque le trois
pour cent, au lieu du dix que paient tous les habitans du pays ; mais
on sent bien qu’un juge, toujours prêt à recevoir de l’argent de
l ’une des parties, ne peut se résoudre à donner gain de cause à un
Européen, s’il ne lui promet auparavant le dix pour cent, et même
un présent calculé sur l ’importancè du procès.
Les négocians répugnent en général à porter leurs contestations
à la capitale, parce qu’ils ne veulent pas s’éloigner du lieu de leurs
occupations, et parce qu’ils se méfient assez souvent de la probité