Échelles, à des mercenaires que l’on accuse de hâter trop souvent,
la mort du malade, afin de jouir plus tôt de ses dépouilles.
Sous quelque forme que la mort se présente; le sage la reçoit
avec sérénité : elle n’est même terrible pour le commun des
_ hommes, que lorsqu elle est accompagnée de douleurs aiguës, et
que tout espoir de salut est banni ; mais le courage du philosophe
le plus stoique serait peut-être ébranlé s i , frappé de cette cruelle
maladie, il était témoin de la frayeur qui s’empare de tous ceux
qui ont Communiqué avec lu i , s’il se voyait délaissé, abandonné
de ses plus proches parens, de ses meilleurs amis ; s i, dans ces
momens de douleurs e t d’angoisses, il ne pouvait voir et embrasser
une epouse, un enfant, ni leur dicter ses dernières volontés; s’il
se voyait descendre pour ainsi dire encore vivant dans la tombe.
Les liaisons les plus étroites, les affections les plus tendres cèdent
presque toujours chez les Européens, à la frayeur qu’inspire cette
cruelle maladie : le désir de sa propre conservation brise en un
moment les liens du sang , et étouffe les sentimens les plus vertueux.
A u x premiers symptômes d’une maladie grave, l’homme
soupçonne d’avoir la peste est sur je champ envoyé à l’hospice,
situe à l’extrémité de la rue de Pérâ, uniquement destiné au traitement
de cette maladie : là un religieux maronite est chargé de
recevoir les malades que l’on envoie, et de leur faire administrer
les secours que son zèle peut lui suggérer.
L ’on doit sans doute de la reconnaissance à l’homme qui s’est
dévoué au soulagement des pestiférés , qui a pu se résoudre à
habiter parmi eux et verser dans leur coeur des paroles de consolation
; mais il faudrait qu’il joignît à ses bonnes intentions les
connaissances nécessaires au traitement de cette maladie ; qu’il
p û t , sans trop s’exposer, éffrir tous les secours que les malades
réclament et que l’humanité exige. Malheureusement les soins de
ce religieux se bornent jusqu’à présent à faire donner de loin
quelques alimens légers , quelques boissons insignifiantes, et à se
présenter lui-même sur la porte de chaque malade pour lui administrer
les secours spirituels que la religion prescrit.
Il serait facile sans doute, en prenant les précautions convenables,
d’établir dans cet hospice un traitement curatif, què l ’on pourrait
modifier ou changer jusqu’à ce que l ’on fût parvenu à des résultats
heureux. Nous rte doutons pas que cette maladie, quelque
prompte et terrible qu’elle soit, ne puisse céder quelquefois.à un
traitement dirigé par une main habile et exercée, e t qu’il ne soit
peut-être facile de se préserver de ses effets contagieux en ne touchant
jamais le malade Ou ses vêtemens, sans tremper aussitôt ses
mains dans l’e au , dans le vinaigre ou dans une autre liqueur ; en
parfumant de tems en tems sa chambre, en le faisant même coucher
en plein air lorsque la saison le permettrait, en prenant enfin la
précaution de s’oindre d’huile, de beurre ou de graisse les mains
et les parties du corps le plus exposées à quelque contact.
Lorsqu’on a habité dans le Levant et surtout à Constantinople,
on est convaincu que, dans les tems ordinaires, cette maladie ne se
propage que lentement ; peu d’individus en sont atteints à la fois,
quelques-uns en échappent, et il faut une communication plus
intime, un contact plus immédiat pour en être attaqué , que lorsqu’elle
se montre sous un aspect épidémique : dans ce dernier cas,
elle s’étend avec une rapidité étonnante, se communique avec la
plus grande facilité , et enlève presque tous ceux qui en sont frappés.
Le moyen le plus sûr de s’en garantir, c’est de se renfermer
dans sa maison et de ne plus communiquer avec personne ; car il
paraît démontré que l’air ne transmet pas la peste, qu’elle ne se
communique et ne se propage que par le contact d’une personne
malade ou des objets qu’elle a récemment touchés ; et ce qui doit
ne laisser aucun doute à ce sujet, c ’est qu’il n’y a pas d’exemple
que la peste la plus meurtrière se soit introduite parmi les Européens
lorsqu’ils se sont isolés , et qu’ils ont passé à l’e au , au
vinaigre ou au parfum tous les objets qu’ils retiraient du dehors.
- Cette observation que l'expérience confirme chaque jou r , né
permet plus de chercher la cause de cette maladie dans des miasmes
putrides, malins, pestilentiels, émanés de quelques lieux infects,
des eaux croupissantes, etc. encore moins dans l ’inondation périodique
du Nil , comme quelques auteurs l’ont un peu trop légèrement
avancé. Aucune ville n’est plus exposée à la peste que
S a