Après avoir passé l 'Andrius on est dans nne vallée de la plus
grande fertilité, au milieu de laquelle le Simoïs promène ses eaux.
.Cette vallée a quatre ou cinq lieues de longueur, sur une lieue ou
une lieue et demie de largèur : le village de Bairamitché, presqu’en-
tiérement peuplé de Turcs, est situé à l’extrémité orientale de cette
belle plaine.
Le Cotylus, qui se trouve à trois lieues au-delà du village, est la
montagne la plus élevée de toutes celles ‘qui sont à l ’est de la
Troadë. Sa hauteur au dessus du niveau des eaux de la mer est
à peu près de sept cent soixante-quinze toises.
D ’après le nombre des villages que présente la carte de ce pays,
un des mieux situés, des plus beaux et des plus fertiles de l’Orient,
on serait porté à croire sans doute qu’il est extrêmement peuplé ;
mais si Ton considère qu’aucun de ces villages n’excède trois cents
habitans (1), que la plupart n’en ont pas deux, et.que quelques-uns
ne valent pas le plus chétif de nos hameaux, on ne sera pas surpris
si je n’évalue pas au-delà de sept à huit mille tous les habitans
compris dans cet espace : je n'excepte pas même de ce calcul le
premier château d’A s ie , qui renferme à lui seul près du tiers de
cette population. Les habitans de la Troade sont: peu industrieux;
ils se contentent de récolter pour leurs besoins, du blé de l’orge,
du coton;et du sésame; d’ëlever quelques troupeaux, et d’aller
sur les montagnes voisines recueillir la galle et la yélanède du
commerce.
Le chêne qui fournit cette galle ( planche 14 et p l. i 5 ) n’est
point connu des botanistes. Il est répandu dans toute l’Asie mineure
depuis le Bosphore jusqu’en Syrie (2), depuis les côtes de
l ’A rchipel jusqu’aux frontières de la Perse. Il porte sa tige tortueuse;
il atteint rarement la hauteur de six pieds, et se présente
plus souvent sous la forme d’un arbuste, que sous celle d’un
arbrisseau.
(1) f f fàut En exdepter flairamitché , qui en a plus de six cents." ” J
. (2) L é 'citoyen La, Billardière, membre de l’institut, l’a trouvé sur le mont
Cassius en Syrie. ; > j
Ses feuilles sont glabres, d’un vert clair, tant en dessus qu’en
dessous , portées sur un pétiole assez court : elles sont dentées, et
chaque dent est terminée par une pointe peu aiguè'. Elles tombent
chaque année à la fin de l’automne. Le gland est alongé, lisse,
deux ou trois fois plus long que la cupule : celle-ci est sessile, légèrement
cotonneuse et munie d’écailles peu apparentes (1).
La galle (Jig . a )• est dure, ligneuse , pesante : elle riàît aux
bourgeons dés jeunes rameaux, et acquiert depuis quatre jusqu’à
douze lignes de diamètre. Elle est ordinairement ronde et couverte
de tubérosités, dont quelques-unes sont pointues.
Cette galle est beaucoup plus estimée lorsqu’elle est cueillie avant
sa maturité , c’est-à-dire , avant la sortie de l’insecte qui l’a produite.
Les galles qui sont percées ou celles dont l ’insecte s’est
échappé, sont d'une couleur plus claire : elles sont moins pesantes
et moins propres que les autres à la teinture.
j Les Orientaux ont l ’attention de faire la récolte des galles au
teins précis que l’expérience leur a prouvé être le plus favorable :
c’est celui où cette excroissaïîce a acquis toute sa grosseur et tout
Son poids. S’ils tardaient à la cueillir, la larve qui vit dans l’intérieur,
y subirait sa métamorphose, la percerait, et paraîtrait sous
la forme d’un petit insecte ailé. La galle dès-lors ne retirant plus
de l'arbre les sucs nécessaires à l’accroissement de l ’insecte , se
dessécherait, et perdrait nne bonne partie des qualités qui la
rendent propre à la teinture.
Les agas veillent à Ce que les cultivateurs parcourent vers le
milieu de messidor, les collines et les montagnes qui sont couvertes
de ces chênes. Ils sont intéressés à ce que les galles soient
de bonne qualité , parce qu’ils prélèvent un droit sur elles. Les
premières galles ramassées sont mises à part : elles sont connues
dans l’Orient sous le nom de y e r li, et désignées dans le commerce
sous ceux de g alles noires et de g a lles vertes. Celles qui ont échappé
aux premières recherches et qu’on cueille un peu plus tard,nom-
mées galles blanches , sont d’une qualité très-inférieure.
( 1 ) Q u e e cu s infectoria foliis ovato-oblongis, siiiuato-dentatis , glaberrimis,
décidait ; fructibus sessilibus, longissimis.