les jardins du grand-seigneur, mais il a en outre la police des environs
de la capitale et du canal, jusqu’à l’embouchure de la Mer-
Noire. Il réprime les débauches , et punit les vols et autres excès
qui s’y commettent. Il tient le gouvernail du calque du grand-
seigneur lorsqu’il se met en mer , et il l’accompagne partout à
cheval lorsqu’il sort en pompe. Cet officier est du nombre des
quatre rickab agaleri ou officiers de la cour , obligés d’accompagner
sa hautesse partout où elle va en cérémonie. Les trois autres
se nomment huyuk imbrohor ou grand écùyer, kutchuk imbrohor
ou petit écuyer , et capidgilar kiayassi ou grand chambellan.
Lès bostangis sont ordinairement fils de Musulmans ; ils reçoivent
une assez bonne pa y e , et sont presque tous mariés. Ils rament avec
la plus grande dextérité les caïques du sultan ; ils veillent à ses
jardins, à ses palais, et se répandent dans les villages et les campagnes
des environs de Constantinople et du canal, pour y exercer
une surveillance active et salutaire. Établis sous le règne des premiers
empereurs, ils furent pendant long-tems la pépinière des
meilleurs soldats. On faisait passer parmi les janissaires ceux d’en-
tr ’eux qui montraient le plus de courage, le plus de force et surtout
le plus de fanatisme.
Suivant les moeurs orientales, il n’y a point de visites, point de
conférences Secrètes, sans que des serviteurs ou des esclaves ne
soient présens : la politesse exige qu’on apporte du eafé , qu’on
présente de tems en tems une pipe garnie et allumée, et, suivant le
grade et la dignité de l’étranger , on doit lui offrir des sorbets, des
essences, des parfums. Lors même qu’un Musulman est seul, il lui
faut de tems en tems une pipe et du café. Le besoin d’être continuellement
servi a sans doute fait imaginer de l ’être par des sourds
et muets , lorsqu’on est dans le cas de traiter quelqu’affaire importante.
Le sultan a dans son palais une quarantaine de sourds et
muets qui le servent conjointement avec ses pages. La plupart des
grands en ont aussi ; mais il y a à cet égard beaucoup de fripo-
neries dont les hommes trop crédules et trop confians peuvent être
la dupe. J’ai vu fréquemment chez le citoyen Descorches, dans les
premiers jours de son arrivée , un homme qui passait pour sourd
et muet, avec lequel on faisait la conversation en turc, par é c rit,
et qui mettait au fait des intrigues de la cour et des anecdotes de la
ville. Il prêtait une oreille trop attentive à tous les propos qui se
tenaient, pour qu’on ne fût persuadé bientôt qu’il savait plus d’une
langue, e t que ses oreilles le servaient assez bien. Lorsqu’il se crut
démasqué , il cessa de venir jouer un rôle désormais inutile.
On a souvent répété mal-à-propos que les muets étaient quelquefois
chargés, d’aller, étrangler les, victimes que le sultan vouait.à
la mort : ce sont ordinairement les capidgis-bachis , dont nous
parlerons bientôt, qui remplissent ces fonctions, soit à la capitale,
soit dans les provinces.
Le grand-seigneur entretient aussi un assez grand nombre.de
nains , aussi peu propres à le servir qu’à l ’amuser. Lorsque -ces
avortons sont en même tems sourds et muets, leur considération
augmente, et on a pour eux beaucoup plus d’égards.
Les capidgis ou portiers, dont le nombre est assez considérable,
veillent aux portes extérieures du palais. Il ne faut pas les confondre
avec les capidgis-bachis, espèces de chambellans , dont la
place est honorable et lucrative, et qui sont chargés d’exécuter les
ordres qu’ils reçoivent du sultan, ceux, par exemple, de couper
la tete d un rebelle ou d’un concussionnaire , de porter la nouvelle
de la nomination à un gouyernepient, d’aller recueillir les
successions des grands officiers de i’Empire, etc. Leur chef, toujours
tiré de ce corps , se nomme Mir-Alem. Les capidgis-bachis
sont quelquefois eleves a la dignité de pacha à deux queues, et
vont en cette qualité gouverner la province qui leur est désignée.