et ses environs, et cette distribution étant bien oonnue (1), ôn péut
porter la population à plus dé cinq cent mille habitans , en supposant
que les hommes, les femmes et les enfans mangent une livre et
demie de farine par jour. Si l’on observe que dans tout l’Orient on
mange beaucoup moins de viande qu’au nord de l’Europe , mais
qu’on y fait une plus grande consommation de pain, de r iz , de pâtisserie,
de laitage et de fruits, on jugera que le calcul que nous
présentons ëst assez juste. Il est vrai qu’il faut faire entrer en ligne
de compte l ’introduction de quelques milliers de quintaux de farine
et de blé en contrebande , par jour , qui a lieu malgré la surveillance
du gouvernement (2)' : mais cet objet n’est pas assez important
pour donner une différence de vingt mille habitans.
Lorsqu’on se représente en Europe une ville comme Constantinople
, on est sans doute porté à croire que les moyens d’existence
y sont semblables à ceux des grandes villes que nous habitons :
on se persuade qù’un grand nombre des habitans possède des propriétés
territoriales dont il retire un revenu annuel, et que tous les
autres y vivent de leur industrie. On croit voir les environs de la
ville parfaitement bien cultivés , embellis de palais, de maisons de
campagne, ornés de fermes et de jardins. On se figure qu’une ville
si heureusement située offre des promenades et des lieux de récréation
; en un m o t, on croit que Constantinople ressemble , à bien
des égards, à toutes les grandes villes d’Europe.
Si nous jetons un coup-d’oeil sur l ’immense population de Constantinople
, nous serons peut-être étonnés de voir que presque tous
les habitans de cette grande ville retirent leurs moyens d’existence
du grand-seigneur , des grands emplois du gouvernement, de l’état
de domesticité ou de quelque industrie particulière; qu’une grande
partie de l’argent de l’Empire vient „s'engloutir dans la capitale par
:Ie moyen des impôts, des douanes, du droit d’hérédîtéque conserve
' (1) Ou distribue environ-quinze cents quilots de blé par jour, qui équivalent à
trois mille cent soixante-quatre septiers de Paris. Le quilot pèse depuis dix-buit
jusqu’à vingt-deux ocques , suivant la qualité du blé. L’ocque est à peu près égale
à quarante onces et demie.
(2) Il est défendu "aux particuliers, de vendre ou distribuer du blé et de la farine.
le souverain sur tous ses agens ; par les confiscations qu’il se permet,
par la vente de tous les emplois, de toutes les places et de toutes
les dignités militaires, administratives, judiciaires et religieuses ; par
les grands apanages dont jouissent les mosquées et lès principaux
officiers de la couronne ; enfin , par les présens volontaires ou forcés
que tout homme en place fait annuellement à ceux qui le protègent
auprès de la Porte, le soutiennent et le défendent, ainsi qu aux
hommes d’affaires qui veillent à ses intérêts , l ’avertissent de tous
les changemens qui arrivent et de tous les dangers qui le menacent.
Presque tous les revenus du fisc se consomment à Çonstanti-
Jiople, parce que c’est là que sont les établissemens nationaux, et
qu’il n’y â , dans les provinces, ni armées, ni marine, ni arsenaux,
ni forteresses à l’entretien du grand-seigneur. Les gouverneurs
pachas , mutselims ou vaivodes, bien loin de retirer des émolumens
de la Porte, versent au contraire annuellement dans le trésor une
Somme plus ou moins considérable, suivant l’étendue et la nature
de leur gouvernement. Les mollas , les cadis rendent la justice
moyennant un droit de dix pour cent et diverses aubaines. Les
janissaires-et autres gens de guerre reçoivent une paye journalière
très-modique;; ’extraite des revenus de la province : ils s’équipent à
leurs frais, et joignent leurs drapeaux en tems de guerre, sans que
le grand - seigneur fasse passer la plus petite somme d’argent pour
cet objet. Les officiers ou agas ont des patrimoines à v ie , àùanoyèn.
desquels ils sont tenus , à la première sommation, de se rendre à
l’armée, et d’emmenér avec eu x, et à leurs-frais, un certain nombre
de-gens de guerre.
Tous les établissemens relatifs à la marine se trouvent à Constan-
tinople. On ne radoube , équipe et arme des vaisseaux de guerre
dans aucun autre port. C’est là que se font les principales constructions.
Il est vrai que ,- dans ce moment-ci , il y a des chantiers à
Sinope, au fond du golfe Mundania,-aux Dardanelles, àMételin.
e t à Rhodes ; parce que ces pays sont à la portée des bois de
construction ; mais la somme d ’argent qui sort de la-capitale pour
cet objet, est peu considérable et n’est que momentanée ; d’ail-,
leu rs, les pachas fournissent le plus souvent à ces dépenses.
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