s’accoutumer aux privations que cet état exige ; ils aiment ordinairement
mieux se servir des Grecs , qui montrent, dans cet état
comme dans tous les autres, une intelligence et une activité donc
les Turcs ne sont pas capables. Les Grecs manoeuvrent assez bien ÿ
et conduisent leurs petits batimens avec beaucoup d’adresse dans
les mers qn ils connaissent ; mais ils n’ont pas la moindre théorie
de la navigation : presque tous naviguent sans boussole, ne se
dirigent que par la connaissance des montagnes et des côtes > cèdent
à tout vent un peu ¡fort, et vont attendre le beau tems dans le port
le plus à portée.
Les matelots et les soldats de la marine militaire se nommaient
autrefois levens ou lèverais : on les désigne aujourd’hui sous le nom
de galiondgis t les premiers sont des Turcs des villes maritimes ou
des Grecs de l ’Archipel ; ils sont permanens , reçoivent toujours
leur paye , et doivent s’embarquer au premier ordre. Les galiondgis
soldats sont tous Musulmans , e t ne reçoivent leur paye que lors-
qu ils sont employés : après le désarmement ils obtiennent la permission
de se retirer dans leur pays et de reprendre leurs ocCupa,-
tions ordinaires. Les Grecs ne sont employés dans un vaisseau de
guerre que pour la manoeuvre : la défense en est réservée aux Musulmans.
La prudence ne permet pas aux derniers,- dansées circonstances,
dedonner des armes à des hommes q a ’ils oppriment; âs
Savent d’ailleurs que les Grecs ne seraient guère disposés 4 «è battre
et se foire tuer pour -eux.
Lorsque les besoins de l’État l ’exigent, on a recours <à la marine
marchande, e t, s’il est nécessaire, il paraît un ïirman du grand-
seigneur, par lequel il est ordonné aux primats de chaque île de
PArchipel, a® gouverneur de chaque ville maritime un peu considérable
,. d’envoyer à Constantinople un -certam nombre de matelots.
C’est ce que nous avons vu arriver au printems de l ’an é ,
lorsqu’il a été question d armer trois vaisseaux de ligne, deux caravelles
(a), trois frégates, trois Corvettes et quinze Chaloupes canonnières.
Ces dernières étaient destinées à remonter le Danube, et
<0 Gros vaisseaux armes en flûte.
Seconder l ’attaque que le capitan-pacha méditait par terre contre
Widine, où était renfermé Pasvan-Ogldu. Les caravelles devaient
ne rendre à Alexandrie selon l ’usage : les vaisseaux, les frégates et
les corvettes devaient aller dans l’A rchipel pour prélever sur les
Grecs l ’impôt annuel auquel ils sont soumis.
Les galiondgis soldats sont très--indisciplinés , fort mutins et
■ordinairement très - corrompus. Ils se livrent presque toujours,,
avant leur départ, à des excès que le gouvernement tolère ou n’ose
punir, dans la crainte de les mécontenter tous. Les Juifs, les Arméniens
, les Grecs et même les Européens sont très.- Circonspects a
cette époque : ils évitent de passer, même en plein jour , dans les
quartiers nn peu reculés de Péra et de Galata, et ils ont l’attention
de rentrer chez eux avant la nuit. Malgré ces précautions , un
grand nombre de personnes ont été arrêtées et volées à Galata
l ’an 6 , et quelques-unes même ont été tirées. Il est vrai qu’à ce fléau
se joignait celui de l’arrivée des gens de guerre, qui se rassemblaient
à Constantinople et à Andrinople pour marcher contre
Pasvan-Oglou.
üi Il y a à Péra plusieurs maisons où des matelots européens, de*
Grecs et même des Tunes viennent boire et s’enivrer, malgré la
sévérité du gouvernement à cet égard. H arrive souvent dés querelle
® parmi les gens de mer , qui se terminent quelquefois par la
mort de quelques-uns d’entr’eux. Peu de tems après notre arrivée
à Constantinople , nous avons été témoins de l’assassinat d un
Grec , de l’audace du gâliondgi qui le tu a , et de l ’impunite qui en
fnt le résultat.
! Quelques Grecs assis autour d’une table buvaient entr’euX lorsqu’un
gâliondgi qu’ils ise connaissaient pas, et qui venait de boire
seul, les somma d® payer pour lui. Ceux-là refusèrent ; il insista, et
il accompagna sa demande de® épitbètes de chiens, de p o r c s, d in~
Jid èîes, si familières dans la bouéhê de® TutfcS lorsqu’ils parlent à de®
sujets non Musulmans. La réponse fut une seconde fois négative ,
mais non pas injurieuse ; le gâliondgi tire aussitôt son yatagan ( i ) ,
(i) Safere un peu cotirbe eu dedans , pointu et bien trancíiáitt, que les Turcs
portent à leur ceinture, êt dont lis sS Servent dans les combats.
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