que la cruelle méfiance du souverain tient comme prisonnier l’héritier
de l’Empire, Hussein, né en Circassie, se trouva l’esclave du
jeune Selhn; il devint bientôt le complaisant de ses goûts, le confia
dent de son coeur et son ami intime. Les liaisons de l’enfance sont
sujètes à éprouver des variations et des vicissitudes résultantes des
caprices de cet âge ; mais la raison consolide presque toujours ce
qu’un penchant mutuel a commencé ; les amis de l’enfance sont
réciproquement attachés pour le reste de leurs jours.
Une- circonstance heureuse vint fortifier cet attachement du
grand-seigneur pour le capitan-pacha, Dés intrigues du sérail menaçaient,
dit-on, les jours de Selim avant d’être parvenu au trône
de ses pères ; un avis que lui fit donner une esclave du sérail, soeur
de Hussein, sauva ses jours menacés. La reconnaissance depuis lors-
a été sans bornes ; Selim, à peine parvenu au trône-, a- fait épouser
la fille d’Abdul Hamid à Hussein et l’a comblé de bienfaits : il l ’a
créé surintendant de la marine et grând-amiral, Celui-ci, élevé dans
le séra il, sans connaissances, sans études, pourvu d’une des premières
places de l’Empire, et maître de toutes les forces maritimes,
fut un moment embarrassé lorsqu’il ne v it autour de lui aucun
homme assez instruit pour l’éclairer et guider ses pas; mais bientôt,
à l ’exemple de son prédécesseur, il appela des ingénieurs et des
ouvriers français pour diriger Jes travaux de l'arsenal, et pousser
pvec activité les' constructions qu’il résolut d’entreprendre.
Hassahrpacha, son prédécesseur , plus grand-homme que lu i ,
mais aussi ignorant, souvent contrarié dans ses projets, parce qu’il
n’avait pas , comme celui-ci , l ’entière confiance- de son maître ,
avait fait construire autant de vaisseaux que les finances de l’É tat
Ct les circonstances pouvaient le permettre. Il avait appelé un ingénieur
français, nommé lie r a i, et lui avait permis de donner aux
vaisseaux turcs la coupe européenne qu’ils n’avaient pas auparavant.
L e capitan-pacha actuel n’eut qu’à suivre les traces de Hassan ;
mais, plus h.eureux que lu i, il trouva dans l’attachement du souverain
tous les moyens pécuniaires propres à-favoriser ses projets.
Les deux dernières; guerres contre la:Russie, dont l’issue avait été.
gi malheureuse j avaient fait sentir au grand-seigneur e t au divan
le
lé besoin d’avoir une forte marine militaire, tant pour défendre les
possessions de la Mer-Noire et de l’Archipel , que pour garantir la:
capitale, d e. toute insulte de la part des Russes. Aussi le capitan-
pacha a-t-il eu la facilité de faire passer dans le département de la
marine la majeure partie des revenus de l’É ta t , et par ce moyen
de faire construire un grand nombre de vaisseaux. Oh peut porter
dans ce moment la marine turque à vingt vaisseaux de ligne ,
dont un à trois ponts; à plus: de vingt ¿frégates ou corvettes, dont
quelques-unes.de quarante canons, et à divers autres petits bâti-
mens. La construction se poussait à notre départ, l ’an 6 , avec la
plus grande activité, au fond de la M er-Noire, à Sinope, au golfe
de Mundania, aux Dardanelles, à Mételin et à Rhodes.'.Et si rien
ne dérange les projets du capitan-pacha , ou ne divertit les fonds
affectés en ce, moment à la marine, il n’est pas douteux que laPorte
n’ ait bientôt un nombre considérable de vaisseaux, à, l’instar de
ceux des puissances européennes : mais aura-t-elle suffisamment de
matelots pour les monter., et d’officiers assez habiles pour en diriger
la manoeuvre ?
gi¿Malheureusement le capitan-pacha n’a point les grandes vues
d,’un homme dlÉtat , et des connaissances que sa place .exige; : il s’occupe
des; moindres détails avec la minutie d’un homme qui a plus
de bonne volonté’ que de- talèns.j Oh le voit--diriger lui-même, les
travaux dë l’arsenal, et y pàsser la journée entière afin ,d’exciter,
par sa présence les ouvriers; mais, trop borné dans ¿ses conceptions
, il a cru pouvoir former une marine en 'ordonnant simplement
rla construction d’Un grand nombre de vaisseaux : il n’a point
encouragé j lè commerce ; il n’a pas même arrêté de plans pour la
formation de marins. Il existe , il est v ra i, depuis long-tems une
école de mathématiques dans l’arsenal : on en forma sous T ott une,
seconde pour la navigation;- mais-elles n’ont pas reçu les encoura-
gemens qu’elles exigeraient, et les connaissances des professeurs,
sont trop bornées potu que ces écoles soient dans ce moment d’une
grande utilité. y
Les Turcs en général n’aiment pas la mer; ils ne peuvent se plier
à la vie active qu’un marin est obligé de mener; ils ne peuvent
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