grand nombre de Troyens qui avaient également péri de la main
d'Achille.
Nous laissons aux antiquaires à nous dire si la ville et la plaine
avaient reçu leur nom de la sarriette, plante odoriférante, nommée
thymbra par les Grecs, ou si ce nom leur fut donné par Dardanus,
fondateur de la ville, en l’honneur de Thymbrios son ami : nous
dirons seulement que la sarriette croît en abondance dans cette
plaine et sur tous les côteaux voisins.
En quittant ce village, nous nous dirigeâmes au sud, laissant à
gauche la première chaîne du mont Ida. Après deux heures de
marche à pied sur un terrain inégal, montueux, presque tout
inculte, nous arrivâmes à un autre village nommé ALch-keui : le
Simoïs coule à un quart de lieue plus loin. Nous rencontrâmes
plusieurs troupeaux de moutons à large queue ; nous nous informâmes
des bergers, s’il n’y avait pas sur les montagnes voisines
des animaux féroces, tels que des hyènes, des onces, des loups,
des chacals, qui venaient attaquer leur troupeau et leur enlever
quelques moutons : ils nous répondirent que cela leur arrivait très-
rarement , parce qu’ils faisaient bonne garde. Nous apprîmes qu’il
y avait sur ces montagnes, des ours, des sangliers, des chacals ;
mais nous ne pûmes jamais nous faire entendre lorsque nous parlâmes
de la hyène et de l’once, que nous avons trouvées dans la
suite, communes en Syrie, en Égÿpte et en Perse. Il nous parut
aussi qu’il y a fort peu de loups dans ces contrées, mais beaucoup
de chacals, que l’on sait être un animal peu féroce, et guère plus
fort que le renard : le chacal n’est dangereux pour le menu bétail,
qu’en ce qu’il va en troupe fort nombreuse.
Au milieu du printems, lorsque la plaine commence à sé dépouiller
de sa verdure par l ’action d’un soleil brûlant, les bergers
de ces contrées, ainsi que ceux du Midi de la France et' de l’E spagne
, vont chercher dans les vallons et sur les montagnes de l’intérieur,
des pâturages que la fraîcheur et l’humidité y entretiennent
dans cette saison. Ils ne retournent au voisinage de la mer que
lorsque les premières pluies d’automne sont venues ranimer la végétation
que la sécheresse y avait ralentie ou suspendue.
Le Simoïs prend sa source au sud-ouest du Cotylus : il coule à
peu près à l’ouest, parcourt un espace de douze à quinze lieues,
reçoit l’Andrius au dessus d’Iné-keui et plusieurs autres ruisseaux,
et vient se jeter dans l’Hqllespont, à une demi-lieue au nord-nord-est
du cap Sigée. Cette rivière n’est pas assez considérable pour mériter
le nom de fleuve ; c’est plutôt un torrent grossi par les pluies, à la
fin de l’automne, en hiver et au printems, ou par la fonte subite
des neiges qui tombent quelquefois en nivôse et en pluviôse , sur
le mont Ida et le Cotylus. Son lit est assez large, mais ses eaux sont
rarement abondantes ; et l’été il est presqu’à sec, depuis qu’un
pacha a détourné le cours du Scamandre et en a versé les eaux
dans la mer Egée.
Le Scamandre naît à l ’extrémité de la plaine de T ro y e , de cinq
à six sources, dont l ’une est remarquable par ses eaux un peu
tièdes. Après avoir parcouru un espace de six à sept milles, il vient
se jeter dans le Simoïs, à une lieue de la nier. Resserré dans son
lit , il n’éprouve aucune variation bien sensible : ses bords sont
émaillés de fleurs dans presque toutes les saisons ; et en plusieurs
endroits les terres sont si basses, et les eaux remplissent tellement
son lit, qu’elles se répandent, et forment plusieurs marécages où
croissent des roseaux , des joncs et diverses"plantes aquatiques.
Dans la saison des pluies, le Scamandre est moins considérable que
le Simoïs, mais il a SUr "lui l’avantage d’avoir toujours à peu près
la même quantité d’eau et de porter la fertilité dans la plaine qu’il
parcourt.
Nous conservons ici au Simoïs son nom jusqu’à la mer, quoique
presque tous les Anciens aient cessé de le lui donner à sa jonction
avec le Scamandre ; mais outre que le Simoïs a un lit beaucoup
plus grand, un cours bien plus étendu que l’autre ; outre qu’il reçoit
en hiver les eaux de toutes les montagnes situées à l’est de la
Troade, le Scamandre aujourd’hui a pris un autre cours. Sous le
règne d’Abdul - Hamid, Hassan, capitan - pacha , voulant construire
plusieurs moulins et arroser les terres qu’il possédait vers
le cap de T ro y e , fit creuser un canal à l’ouest' du petit village
d’Erkessi-keui, et y versa les eaux du Scamandre : elles coulent