des pierres, des briques, de la chaux et tout ce qui est nécessaire
pour bâtir d’une manière solide et durable, les maisons des riches,
conime celles des pauvres , sont construites en bois. La charpente,
presque toujours en chêne, pose sur des f'ondemens peu profonds
en maçonnerie : les interstices que laisse le bois , sont remplis au
moyen de la terre pétrie avec de la paille ou du chanvre haché :
le mur est revêtu de planches peintes , assez mal ajustées : tous
les planchers sont en bois , et les toits sont faits avec des tuiles
creuses , disposées comme on les voit au midi de la France. Les
édifices publics seuls , tels que les bains, les caravanserais-, les bé-
Sesteins , sont bâtis en maçonnerie avec beaucoup de solidité.
Quant ans mosquées, construites sur le modèle des anciennes
églises grecques, la plupart sont d’une assez belle forme. Les colonnes
de marine, d’albâtre, de granit et de porphyre y sont placées
avec beaucoup plus de goût que n’en montrent ordinairement
les Turcs. Les minarets qui les surmontent, au nombre d’un-, de
d eu x , de quatre ou de s ix , font un effet très-pittoresque et très-
agréable à la vue.
Dans une grande partie de l’Empire, dans les contrées surtout
où les pluies sont rares et les chaleurs excessives, toutes les maisons-
Ont, au lieu de to it, des terrasses sur lesquelles les habitans
couchent en été : mais cet usage ne s’est pas introduit à Constan-
tinople, où les chaleurs sont tempérées, où les nuits sont fraîches
èt humides*
Si nous en exceptons les palais des ambassadeurs et quelques
maisons de négoeiâns, les habitans de Constantinople n’ont point
de cheminées d'ans les appartemens qu’ils occupent : ils se chauffent
par le moyen d’un brasier en cuivre ou en terre cuite, nommé
mangal, qu’ils placent à portée de leurs sofas : mais chez quelques
Musulmans, et chez presque tous les Grecs et les Arméniens, on
place ce brasier sous une table ronde ou carrée, couverte de plusieurs
tapis, dont l ’u n , ouaté, en- toile de- coton peinte, descend
jusqu’à terre dans tous les sens, et retient la chaleur sous la table :
on met dans ce cas peu de charbons allumés, et on les, recouvre
de cendres pour tempérer la chaleur. Un banc rembourré, placé
tout autour, permet à plusieurs personnes de s’asseoir, d’avancer
les jambes vers le mangal, et de recevoir la chaleur jujsqu’à la
ceinture. Cette table, nommée tandour, paraît avoir une origine
grecque, si l’on considère que son usage est plus commun chez les
Grecs que chez les T u r c s , et qu’on ne le retrouve plus dans 1 intérieur
de l’Asie mineure , où les froids sont plus vifs et plus
pîquans qu’à Constantinople.
Dès qu’il fait un peu froid , les femmes quittent rarement leur
tàndour ; c’est là qu’elles passent leur journée, qu’elles travaillent,
qu’elles reçoivent leurs amies, qu’elles se font servir à manger. Le
soir , c’est sur le tandour que l’on joue aux cartes (i) , aux échecs
ou aux dames. C’est autour de lui que l’on se rassemble pour faire
la conversation, se communiquer les nouvelles, écouter quelque
histoire tragique, quelque conte de revenant ou les prouesses de
quelque pacha rebelle à la Porte.
Les Européens s’accoutument volontiers à cet usage, parce qu’il
rapproche les deux sexes, et que l’oeil sévère d ’une mère ou les
regards jaloux d’un mari ne peuvent remarquer les signes d intelligence
ni empêcher les attouchemens expressifs que le tandour
favorise. Si jamais l’usage des cheminées pouvait s’introduire à
Constantinople, nous sommes persuadés que les Grecques s y opposeraient
de toutes leurs forces ; et certainement elles trouveraient
dans leur éloquence persuasive, de bonnes raisons en faveur
de la chaleur douce, modérée et plus économique du tandour-
Dans une ville où les maisons sont en bois et mal construites ,
où les fenêtres sont nombreuses et mal fermées, où le vent et l’air
extérieur entrent dans chaque chambre, non-seulement par les
portes et les fenêtres, mais par les murs et les cloisons, ni le
mangal ni le tandour ne pouvaient garantir suffisamment dm froid
.les habitans': ils avaient besoin d’être chaudement vêtus ; la Russie
et la Pologne leur offrirent le vêtement le plus chaud que l’homme
puisse porter, et l’usage des fourrures fut adopté par les habitans
(1) Les cartes ne sont connues que des Grecs et des Arméniens qui fréquentent
les Européens.
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