Constantinople, et cependant, ainsi que nous l’avons observé plus
h a u t, l’air y est sain, et l’on ne voit aux environs ni marécages ni
lieux mfects. En Egypte, le Nil commence à croître vers le milieu
de-messidor, et il est entièrement débordé au commencement de
fructidor. En vendémiaire, on ensemence les terres que le fleuve a
inondées : ce serait sans doute l’époque de l ’apparition de la peste
si cette maladie était occasionée par'les exhalaisons putrides qu’oc-
casione le séjour des eaux sur les terres, et cependant on observe
que cette maladie cesse toujours en Egypte dans la saison la plus
chaude de l ’année, et qu’elle se montre très-rarement en automne,
mais plus souvent en hiver et au printems, c’est-à-dire, lorsque
les eaux répandues sur les terres ont entièrement disparu, et qu’il
ne peut y avoir des exhalaisons dangereuses. Ce qui prouve encore
que les inondations périodiques du Nil n’ont aucune influence sur
la peste, c ’est que l ’Égypte est quelquefois exempte de cette maladie
pendant plusieurs années de suite.
Pour que cette maladie se montre dans une ville , il faut que le
germe y soit apporté du dehors. Des marécages infects, des matières
végétales et animales en putréfaction , des alimens viciés ,
des exhalaisons méphitiques occasioneront sans doute quelquefois
des maladies très - graves , des fièvres aussi dangereuses que la
peste ; mais ces maladies cesseront quand la cause qui les a fait
naître disparaîtra : elles n’embrasseront pas une vaste étendue de
terrain ; elles seront circonscrites aux lieux qui leur donnent
naissance. •
La peste parcourt les différentes contrées de l’Empire othoman,
comme la petite vérole parcourt les diverses contrées de l’Europe :
elle ne doit, comme celle-ci, son origine ni à des exhalaisons putrides
ni à des causes dérivées du sol ou du climat : elle existe dans
le .Levant comme elle existerait bientôt en Europe si nous ne prenions
aucun moyen de nous en garantir, et lion pourrait sans
doute la faire cesser dans l’Empire othoman si les Turcs étaient
capables d’employer à cet effet les moyens convenables. La peste
parcourt la Turquie, et se montre plus ou moins fréquemment
dans une ville, suivant que le commerce et les communications
sont plus ou moins fréquens ; c’est ainsi qu’elle est presque toujours
à Constantinople, parce que c’est la ville qui communique le plus
avec tous les points de 1-Empire. La peste ne peut se manifester
dans quelque ville des provinces, qu’elle ne soit bientôt transmise
à la capitale. Smyrne est la ville ensuite où cette maladie fait le
plus souvent de ravages, parce que le commerce y est très-actif,
et que les relations de cette ville avec presque toutes celles de là
Turquie sont assez fréquentes.-L’Égypte fait un assez grand commerce
avec Constantinople, aussi arrive-t-il ordinairement que les
navires-turcs ou les caravelles du . grand- seigneur, apportent la
peste à Alexandrie, d’où elle se répand à Rosette, à Damiette,
au Caire, et de là dans tous les villages et jusque dans l ’habitation
du cultivateur.
Cette cruelle maladie s’étend en Syrie au moyen des marchandises
que l’Égypte y fournit <: elle-y vient aussi par Smyrne et
Constantinople; elle gagné de là quelquefois. Damas, Alep et la
Mésopotamie; elle est apportée dans l’intérieur de l’Asie mineure
par les caravanes de Constantinople et de Smyrne. La Turquie
européène est plus exposée à la peste que les, provinces éloignées
de l’Asie , à cause du voisinage et des rapports qu’elle a avec la
capitale. On ne connaît cette maladie à Diarbequir, à Mossul,
que tous les quinze , dix-huit et vingt ans ; elle est beaucoup plus
rare à Bagdat et à Bassora, et les Persans n’en sont presque
jamais affligés.
Cette différence vient, d’une, pa rt, de ce que ces villes ne reçoivent
presque pas de marchandises indigènes de Smyrne et de
Constantinople, et que le venin pestilentiel a le tems de se .dissiper
dans un trajet très-long, à travers l’Asie mineure , la Mésopo- *
tamie ou le désert de l’A rabie. Il paraît d’ailleurs.certain qu’un
froid un peu rigoureux, tel qu’il se- fait sentir dans l’Asie mineure
, ou une grande chaleur, comme celle de l’Égypte , de
la Syrie et du désert de l ’A rabie, suffit pour étouffer entièrement
les germes de ce flé âù , et c’est sans doute ce qui fait que
la peste ne se montre pas deux ans de suite dans les contrées
ou trop froides ou trop .chaudes , -excepté sur les côtes , où