L ’île est divisée en deux mille deux cents feux, et toutes les terres
en quatre cent soixante-quatorze mille soixante-quatre aspres.
L ’aspre équivaut à une valeur foncière de 5 piastres , de sorte
qu’un champ évalué xoo piastres , est côté vingt aspres dans les
registres. Chaque aspre paie à raison de a paras d’impôt, qui se
perçoivent pour le compte de quelques agas turcs qui résident à
Coiistantinople.
Pour compléter la totalité des sommes successivement exigées de
la Porte pour le capitan-pacha et sa suite, et afin de subvenir aux
dépenses imprévues, aux frais d’administration et autres, les habi-
tahs paient quelques paras additionnels en proportion des aspres
qu’ils possèdent.
Chaque propriété foncière est évaluée et inscrite sur deux registres,
dont l ’un est entre les mains du contrôleur latin, et l ’autre
entre les mains du contrôleur grec.
Afin que les agas turcs n’envoient point de tchocadar pour exiger
et recueillir leurs droits, les habitans s’abonnent avec eu x , et
leur font passer leur argent avec la plus grande exactitude 5 ils évitent
pâr-là les frais que cet agent occasionèrait, et les vexations qu’il ne
manquerait pas d’exercer en sa double qualité de Musulman et de
chargé dé pouvoirs.
L ’impôt to ta l, avec les frais, se monte annuellement à 36, 2.34
piastres; Somme considérable, relativement au peu d’étendue de
l ’île , mais très-modérée si on envisage sa population et l’industrie
dès habitans.
Tine produit, avec une bonne récolte, assez d’orge pour les
besoins de l’année.
Le blé fournit à peine à trois ou quatre mois.
On ne recueille, pour tout légume, que quelques fèves et quelques
pôis-chiches, dont on mêle, comme à S c io , la farine à celle du froment,
pour faire du pain.
lie mouton est assez abondant pour qu’il en sorte annuellement
pour la valeur de 5 à 6,000 piastres.
On ne fait point d’huile à Tine : les olives qu’on y récolte sont
salées et consommées par les habitans.
Le vin est assez abondant pour fournir à l ’approvisionnement
des navires européens qui viennent mouiller dans les ports, et les
rades de l’île.
Il y a des figues, des -oranges, plusieurs autres fruits et divers
herbages pour les besoins des habitans : on fournit quelquefois de
ces derniers à Scio et à Sinyrne.
Le miel et la c ire, le coton et la laine se consomment ordinairement
dans le pays.
La soie est le seul objet un peu considérable d’exportation. Une
grande partie de l’île est plantée en mûriers , et presque toutes les
femmes s’occupent à élever des vers à soie et à dévider ensuite les
cocons. Il sort chaque année deux ou trois mille ocques de soie
grossière, ordinairement employée pour les gances et les cordons
que l’on fait à Scio, à §myrme, à Constantinople et ailleurs, pour
garnir les habits des deux sexes. On cultive à Tine et dans les Cy-
clades, le mûrier blanc, qu’on laisse croître à volonté.
Les terres de l’île sont en général peu fertiles, si ce n’ est dans
quelques plaines peu étendues et dans quelques valions arrosés.
Les habitans y suppléent par un travail opiniâtre, par une activité
ét une industrie peu communes dans les contrées orientales. Ici le
riche n’est pas plus oisif que le pauvre ; l’un est négociant, marchand
ou agriculteur ; l ’autre, artisan, marin ou laboureur.
-Les femmes ne restent pas non plus oisives : elles s’occupent des
soins du ménage, de l’éducation des vers à soie, des travaux de
la campagne, e t la journée ne se passe jamais sans qu’elles prennent
l ’aiguille ou le fuseau, ou qu’elles tricotent des bas de soie que les
Européens recherchent à cause de leur solidité et de leur durée.
Les Européens et les Grecs de Smyrne, de Constantinople et de'
Salonique apprécient beaucoup les domestiques de Tine , sur tout les
domestiques femelles, parce qu’ils les trouvent en général plus
adroites, plus propres et plus honnêtes que la plupart de celles de»
autres îles de l'Archipel. Leur nombre en est si considérable, qu’il
part tous les d ix , douze ou quinze jours au plus itard, pour Smyrne,
un bateau chargé de jeunes personnes qui vont remplacer celles
q u i, après quatre ou cinq années de service, retournent dans