qui contribuent à varier et embellir le tableau. Des jardins plus ou
moins spacieux , ornés de fleurs et de kiosks disposés de manière
à recevoir le courant d’air et procurer au loin la vue du c an a l,
font de ces maisons des lieux de jouissances et de délices. La plupart
des riches habitans de Constantinople y passent, dans la belle
saison, la journée entière, seuls, accroupis sur un sofa, occupés à
fumer, prendre du café, porter leurs regards sur les passans, et
rouler dans leurs doigts des chapelets de co ra il, d’agate ou de
^pierres précieuses.
Nous descendîmes à terre, près du château d’Europe , pour examiner
quelques plantes fleuries qui nous frappèrent. Nous entrâmes
dans un cimetière turc, planté de beaux cyprès et de quelques téré-
binthes : noüs trouvâmes entr’autres une belle fé ru le , haute de
cinq à six pieds, différente de la férule orientale; plusieurs espèces
de campanules : nous vîmes le beau carabe v io le t, chagriné, que
f a i décrit et figuré dans mon Entomologie (i). Après avoir passé
quelques heures à terre, nous rentrâmes dans notre cajque ;nous
eûmes bientôt dépassé Roumili - hissar, situé sur un terrain en
pente. Ce château, bâti sous Constantin Paléologue, dernier.empereur
d’Orient, par Mahomet I I , lorsqu’il méditait la conquête
de Constantinople, est plus propre aujourd’hui à servir d épouvantail,
qu’à s’opposer au passage d’un vaiSseau de guerr^ En
effet, une simple frégate aurait bientôt brisé tous les affûts et démonté
les canons qui se trouvent à découvert sur le rivage et
L e n fuite les canoniers, que rien ne garantit. Il en est de même
du Château d’A s ie , qui se trouve de cana , sa
Construction ne vaut pas mieux , et ne saurait défendre les ap-
P ïc Ï t Sl f q Ï e CS t s ' , roi de Perse, établit un pont de bateaux
pour faire passer son armée lorsqu’il voulut faire la guerre aux
Scythes. C ’est par-là que les Croisés, animés d u na am t zèle, entrèrent
eri Asie pour.délivrer la Terre-Sainte du joug des Ma-
'hoidétans. .
(0 Entom. ou Hht.nat. de* Ins., to». III ; Carabe,*". 7 ^ . ’VH ,% * 3 .
Nous suivions la côte d’Europe, parce que les eaux qui viennent
de la Mer-Noire, forment un courant plus rapide au milieu du
canal et vers la côte d’Asie. Les caïques qui remontent, suivent
tous la même route , tandis qu’en revenant à Constantinople, les
mariniers ont l’attention de se tenir au milieu du canal, et même
de s’approcher un peu plus de la côte d’Asie que de celle d’Europe ;
ce qui facilite leur retou r, surtout si un léger vent de nord leur
permet de déployer leurs voiles.
Si l’on considère la quantité d’eau que reçoit la Mer-Noire du
Danube , du Dniester, du Dnieper et du Don , ainsi que d’un
grand nombre de rivières et de torrens qui descendent des monts
Caucases et de la Mingrelie , ou qui viennent de la Géorgie , de
l’Arménie et de la Natolie, on sentira bientôt que, bornées dans
un bassin trop étroit, ces eaux auraient été obligées de s’étendre
davantage pour fournir à une plus grande évaporation et se mettre
en équilibre si elles n’avaient trouvé une issue par le Bosphore et le
canal des Dardanelles. C’est par ce moyen que le surplus des eaux
de cette mer s’écoule sans cesse et est versé dans la Méditerranée ;
et c’est ce qui nous explique pourquoi les eaux de la Mer-Noire
et celles de Marmara sont moins salées que- celles de la Méditer-,
ranée et de l’Océan.
Le courant est si fo r t , que le canal ressemble en quelques endroits
, plutôt à une rivière qu’à un bras de mer : on le voit s’op-,
poser à la marche d’un navire lorsque le vent de sud ne souffle
que faiblement. La direction des côtes oblige les eaux à se porter
davantage vers celles d’Asie , et à former de ce côté un courant
plus rapide; cependant, à la pointe d’Arnaoud-keui, on est obligé
de remonter à la traîne, par le moyen d’une corde que l’on jette à
des matelots qui se tiennent continuellement sur le rivage. Les eaux
ont à cet endroit une telle rapidité , qu’il serait impossible d’aller
à la rame sans s'éloigner de la terre : mais lorsque cet obstacle est
franchi, le courant n’est presque plus sensible, et même en divers
endroits la direction des caps fa it, comme dans les rivières, remonter
les eaux 5 ce qui favorise la marche du bateau, ainsi qu'on le
remarque, d’une manière très-sensible depuis Top-hana jusqu’au-delà