bâtie par les Genbis , à peu de distance de la ville. Le citoyen Di-
geon , vice-consul de la République , les regardait comme deux
bustes d’Isis , sur lesquels on reconnaissait, selon lu i, le ciseau
égyptien du règne des Ptolémées : mais le corset dont ils sont
vêtus, ainsi qu’un ornement vraisemblablement de métal, qu’ils
portaient sur le sein , à en juger par les trous qui s’y trouvent,
nous portent à croire que ces bustes sont plus modernés, et probablement
l’ouvrage des Génois.
On voit encore quelques tronçons de colonnes , quelques restes
de chapiteaux dans la plupart des villages que nous avons parcourus;
mais on n’y aperçoit aucune trace, d’anciens édifices, aucun
vestige dé temple : le tems et la main des hommes ont tout détruit.
Le mastic doit être regardé comme une des productions lès plus
importantes de l’île , et comme la plus précieuse, puisque c’est à
élle que les habitansde Scio doivent une partie de leurs privilèges,
et les cultivateurs leur indépendance, leur aisance et peut-être
leur bonheur. Le lentisque qui le produit, ne diffère point de celui
qui croît au Midi de l’Europe et dans toutes les îles de l ’Archipel.
On remarque seulement à Scio quelques légères variétés à feuilles
plus grandes que la culture a produites, et que fts marcotes et les
greffes perpétuent.
Pour obtenir le mastic, on fait au tronc et aux principales
branches du lentisque, de légères et nombreuses incisions, depuis
le i 5 jusqu’au 20 juille t, selon le calendrier grec. Il découle peu
à peu de toutes ces incisions , un suc liquide qui s’épaissit insensiblement,
qui reste attaché à l ’arbre en larmes pins ou moins
grosses, ou qui tombe et s’épaissit à terre lorsqu’il est très-abondant.
Le premier est le pins recherché : on le détache avec un
instrument de fer tranchant, d’un demi-pouce de largeur à son
extrémité. Souvent on place des toiles au dessous de l’arbre , afin
que le mastic qui en découle , ne soit pas imprégné de terre et
d’ordures.
Selon les réglemens faits à ce sujet, la première récolte ne peut
avoir lieu avant le 27 août. Elle dure huit jours consécutifs, après
lesquels on incisé dé nouveau jusqu’au a5 septembre : alors se fait
la seconde récolte , qui dure encore huit jours. Passé ce tems , on
n ’incise plus les arbres ; mais on recueille jusqu’au 19 novembre ,
le lundi et le mardi de chaque semaine, la mastic qui continue de /
couler. Il est défendu ensuite de ramasser cette production.
La culture du lentisque est . simple et facile : elle consiste bien
plus à nétoyer le sol qu’à donner des labours. On se dispense de
tailler cet arbre, et on se garde bien de lui former une belle tige.
On a reconnu que les lentisques qui rampent, donnent bien plus de
mastic que ceux dont la tige est droite et élancée.
Moins arbres qu’arbrisseaux, leur trône acquiert à peine sept à
huit pouces de diamètre, et leur hauteur est rarement au dessus
de douze à quinze pieds.
Le citoyen Digeon nous a fait part d’une expérience qui mérite
d’être connue. Comme il est défendu de cultiver le lentisque hors
des limites tracées par le gouvernement, un Turc crut éluder la lo i,
et obtenir néanmoins du mastic en greffant le lentisque sur de
jeunes térébinthes. Les greffes réussirent parfaitement bien, mais
cet homme fut très-étonné, quelques années après, de voir couler
des incisions qu’il f i t , une substance qui joignait à l ’odeur et aux
qualités du mastic, la liquidité de la térébenthine.
, On recueille le mastic dans vingt-un villages situés au midi de la
yille. Il y a en outre trois villages à l ’ouest, dont les plantations
peu productives ont été abandonnées. Ceux-ci n’en ont pas moins
conservé leur ancienne dénomination et les privilèges dont les
autres jouissent : ils paient leur imposition en chaux depuis qu’ils
ne fournissent plus de mastic.- :
Cette production s’élève, année commune, à cinquante mille
ocques et même davantage. Vingt-un mille appartiennent à l’aga
fermier de cette denrée , et sont délivrées par les cultivateurs en
paiement de leur imposition personnelle. L ’excédent leur est payé
à raison de 5o paras l’ocqüe ( à peu près 16. sous la livre} , et il
leur est défendu, sous des peines très-graves, d’en vendre où céder
à tout autre qu’au fermier, 1
La meilleure et la plus belle qualité est envoyée à Constanti-
nople pour le palais du grand-seigneur. La seconde qualité est