C H A P I T R E X V I I .
Des pachas , vaivodes et mutselims. Dès beylers-beys,
sangiaks- beys , zaïms et timariots. Des janissaires,
spahis et autres gens de guerre. Limites des pouvoirs
du sultan et des pachas.
S i le pouvoir judiciaire réside, en même tems que le pouvoir religieux,
entre les mains des ulémas, les pachas réunissent le pouvoir
militaire et le pouvoir administratif : ils sont gouverneurs, com-
mandans militaires et intendans de leurs provinces j e t , par un
abus infiniment préjudiciable aux intérêts du peuple, la plupart
d’entr’eux réunissent en même tems la ferme générale des impôts.
Le pacha à trois queues est investi d’une très-grande autorité ; il a,
comme le sultan qu’il représente, le droit terrible de punir de mort
tous les agens qu’il emploie, sans autre formalité que celle de rendre
compte au sultan des motifs qui l’ont déterminé à cet acte de justice
, de sévérité ou de rigueur. Il entretient un état militaire plus
ou moins nombreux, suivant la position et les revenus du pa-
chalik , et marche à la tête de la force armée de tout son département
lorsqu’il en est requis parle souverain, ou lorsque la frontière
est menacée. Il veille à la répartition des impôts, à la réparation
et à l’entretien des édifices publics, des forteresses, etc.
L e pacha à deux queues n’a pas un pouvoir si étendu ni un département
si considérable : il ne peut faire mourir personne sans un
jugement légal ; il e s t, comme l’autre, chef de la force armée de
son département ; mais lorsqu’il entre en campagne, il est oblige
de réunir ses étendards à ceux d’un pacha à trois queues, et_ de
marcher sous ses ordres.
Le mutselim est un vice-gouverneur, un lieutenant de pacha :
il jouit dans son arrondissement, de tous les droits que lui donne
le pouvoir de l’exécution ; il est chef de la force armée , mais il
est soumis en tout au pacha dont il dépend et dont il reçoit les
ordres.
Le vaivode est gouverneur d’une petite province ou d une ville
q u i, ne faisant point partie d’un pachalik, est quelquefois 1 apanage
d’une sultane, du grand-visir, du capitan-pacha ou de tout
autre grand officier de l ’Empire. Il jouit de toutes les prérogatives
d’un pacha à deux queues, mais il occupe un rang inférieur. Lorsqu’il
est requis de marcher à la tête de la force armée de son département
, il joint ses drapeaux à ceux' d un pacha à trois queues.
Les uns et les autres sont chargés de faire exécuter dans leurs
provinces les sentences que prononcent les juges.
Dans les îles de l’Archipel, le Musulman ou le Grec, chargé
simplement par la Porte de la levee de limpôt-et de la police du
lieu , est également désigné sous le nom de vaivode .
On donnait autrefois indifféremment aux gouverneurs de provinces
les noms de pacha et de beyler-bey : ce dernier aujourd’hui
est réservé aux pachas de Manastir et de Cutayé : ils ont, la pree-
minence sur les autres pachas , et commandent ordinairement les
troupes que l’on met en campagne. Le beyler-bey de Manastir a
sous ses ordres les troupes européènes, et le beyler-bey de Cutayé
celles d’Asie. Ils sont néanmoins subordonnés au grand-visir lorsque
celui-ci prend le commandement général des armées.
' Un pachalik est divisé, quant à la partie militaire, en un certain
nombre de districts nommés sangiaks ou étendards. Les janissaires,
les spahis, les zaïms et les timariots du district sont obligés, en
cas de guerre, de se réunir sous les drapeaux du commandant
militaire, nommé sangiak-bey, et d’attendre les ordres du pacha
de la province, pour marcher à l’ennemi, punir quelque rebelle ou
soumettre quelque province révoltée.
A mesure que les Turcs chassaient les Grecs de l’Asie mineure et
de l’Europe, et s’établissaient sur leur territoire, ils créaient une
sorte de féodalité non moins oppressive que celle dont nos ancêtres
ont eu si long-tems à souffrir. Maîtres, suivant leurs usages, de la
fortune, de la liberté et de la vie des peuples qu’ils avaient vaincus,
les sultans disposèrent à leur gré, après la victoire, des terres qu’ils