depuis lors dans la mer Égée, à près de demi-lieue au sud du cap
de Troye.
L a côte est basse et marécageuse à la nouvelle embouchure du
Scamandre : elle s’élève insensiblement depuis le cap de Troye
jusqu’au village de Yéni-keui ; elle est escarpée de là au cap Sigée,
On marche sur un plateau élevé, d’où la vue mesure sans obstacle
toute l’étendue de la plaine : on aperçoit au fond le côteau sur
lequel était bâtie l’ancienne Troye : au-delà le mont Ida se présente
en amphithéâtre, et forme un tableau de la plus grande
beauté. On voit au nord, l’Hellespont et la Chersonèse de Thrace ;
à l ’ouest, la mer Égée et quelques-unes de ses îles. Ténédos se fait
remarquer par sa montagne en pyramide, par ses côteaux et ses
champs couverts de vignobles. La petite île des Lapins n’a jamais
fixé l’attention des géographes et des historiens. On distingue confusément
l’île volcanique de Lemnos, dans laquelle, selon la fable,
Vulcain avait établi ses forges. A u n o rd -ou e s t, les îles élevées
d’Imbros et de Samothrace paraissent n’en former qu’une ou même
se confondre avec le continent.
Yénitcher-keui (1), bâti sur les ruines de Sigée, présente encore
quelques vestiges de l’ancienne ville. Les curieux viennent y admirer
un bloc de marbre de huit à neuf pieds de lon g , placé à côté
de la porte d’une église : il porte une inscription grecque, presque
entièrement effacée, dont les mots se suivent sans interruption,
c’est-à-dire, que la première ligne va , comme chez nous, dé
gauche à droite , et la seconde revient de droite à gauche, et
ainsi de suite jusqu’à la fin.
De l’autre côté de la porte on yoit un bas-relief en marbre assez
bien travaillé : il représente une femme assise, à qui d’autres femmes
paraissent offrir des enfans emmaillotés : derrière celles-ci on voit
une autre femme portant une boîte d’une main et un vase de l’autre,
M. de Choiseul, ambassadeur à Constantinople, désirant faire
enlever ces deux marbres, s’adressa à la Porte et en obtint la
(1) Yénitcher-keui, village des janissaires : on le nomme aussi Djaour-keui,
village des infidèles, depuis qu’il n’est plus occupé que par des Grecs.
permission }
permission ; mais n'ayant pu lever; les’obstacles que lui opposaient
les habitans , il se contenta de faire prendre des empreintes du
dernier. ;!•;
A u nord du village il y a dix à douze moulins à vent qui Servent
de reconnaissance aux- marins ,: à demi-lieue au sud, ils remarquent
aussi ;le..tombeau d’Antiloque,['situé sur le plateau élevé dont j’ai
déjàparf,éfr,Antiloqne >rfils du, sage, Nestor „périt an Siège de .Troye ;
en, voulant parer,, je ,ponp.qne>Mpmnon portait à son père. A une
lieue plus ,au ’Sud, nn .tr eu il y e is ,1e cap de Troye le tombeau de
Pénéléus, l’un des chefs des Thébains(i); celui d’AEsiétés est à une
lieue de la tuer, à l’est de la nouvelle embouchure du Scamandre.
C’est du sommet ;élpvé de ce tombeau que Politè&, lils dePriam ,
çe confiant en la légèreté de ses pieds, venait observer'les mouve-t
mens des Grecs et .épier le montent qu'ils s’avancoraiçnt 'vers.Troye,
De, çe tombeau àpla ville , i l n'y, a pas deux-lieues : il ¡y enfa en-
yiron(trpis de là aux rives de l’HeUespont,, où les. Grecs,étaient
campés. , i • ¡jjfilàob
Voulant remonter le Scamandre jusqu’à ses sour.cqs, noijs nous
engageâmes plusieurs fois dans des marécages, dlqù notfs eumesrde
la peine à'Sortir : nous fûmes obligés de nous éloigner de là rivière
et.de venir prçndre le chemin .qui conduit àBoutiar-bachi. Nous,
avions à un quart de lieue., à droite , jle petit ¡village de Bos-keui.
Lorsque nous fûtnes.à l ’extrémité de la plaine,’nous vîmes sourdre,
a-U; dessous du,, chemin. la première source du .ScamancLye ; l’Érinéqs,
Ou la colline des figuiers sauvages était de l’autre côté : nous-crûmes ,t
au premier aspect,, apercevpjr des-restes d’une ancienne maçonnerie
qui se'prolongent sur la colline,, mais nouSgfpyînmes bientôt dé
notre erreur ; çej que nous avion s d’abord pris, pour une maçoq-,
nerie, n’est autre chose que la roche ellermême,,farmée4’une sortq,
‘(i) Rien ne constate que ce soit le tombeàü'de Péïiéléus. Cetté ô]pinip'n , ;àasâràëë
pàf'Chaiidler * a été adoptée par-Lechèvàlier. Pénéléfis'jj selon .quelques
fut tue par Eurypile , petit-fils dePriam iqui avait amené: du SecÔUfs a-Troyè la -
dixième çnnée ¡du siège ; mais il paraît que cette môrt est postérieure àn celle i
d’Achille, car il n’en est pas fait mention dans Homère. .
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