■ Le mufti réside à Constantinople et jouit de plusieurs apanages:
il est traité arec beaucoup d’égards par le sultan ; les grands et le
peuple lui montrent le plus grand respect et se soumettent aveuglément
à ses fétfas. Suivant l’ordre établi, il doit être choisi
parmi le kadilesker de Romélie et ceux qui ont occupé cet emploi.
Rarement la faveur y fait nommer un kadilesker de Natolie, un
stambol-ëfendi, un simple molla : il reste en place tant qu’il plaît
au sultan de l’y conserver.
Dans les cérémonies publiques, le mufti et le grand - visir
marchent sur la même ligne, celui-ci à droite, et le mufti à gauche.
Lorsque ce dernier est disgracié, il ne lui est pas permis de rester
dans la capitale : le sultan craint l’influence d’un homme que le
peuple est accoutumé à regarder comme l’oracle de la religion. Il
est exilé dans quelqu’île de l’Archipel ou dans quelque maison
située sur le Bosphore, avec défense d’en sortir, de recevoir chez
lui aucun des principaux officiers de l ’Empire ou de correspondre
avec eux.
Le mufti présente annuellement une liste au sultan pour la nomination
de deux kadileskers , du stambol-éfendi, des mollas de
la Mecque et de Médine , de ceux de Brousse, d’Andrinople, du
Caire et de Damas, ainsi que de ceux de Jérusalem , d’A le p , de
Smyme, de Larisse, de Salonique, de Scutari, de Galata et
d’É youp. C’est ordinairement suivant le rang d’ancienneté que le
choix se fa it, lorsque la faveur n’y appelle pas quelque homme
protégé ou le fils de quelque grand.
Il y a à Constantinople deux kadileskers , celui de Romélie ou
de la Turquie européène, ét celui de Natolie ou de la Turquie
asiatique. Ils étaient autrefois les juges des gens de guerre, le
premier pour la Turquie européène, et l ’autre pour les contrées
asiatiques ,lorsque le sultan les commandait en personne. Le kadilesker
de Romélie fut ensuite chargé de prononcer sur les affaires
des Musulmans, et l’autre sur celles des sujets tributaires. Depuis
quelque tems, le premier a la prééminence sur- le second, et juge
seul toutes les causes portées à son tribunal par la seule volonté
et à la requête des réel amans. Le tribunal du kadilesker de Natolie
a
a été supprimé depuis Iong-tems comme inutile. Ils assistent Fan.
et l’autre au divan du grand-visir, écoutent et discutent les affaires
qui s’y présentent, après quoi le kadilesker de Romélie prononce
seul la sentence. Ils ne restent en place qu’une année ; mais celui
de Natolie succède ordinairement à celui de Romélie, et celui-ci a
passé auparavant par l’autre grade. Ils nomment tous les simples
cadis de l’Empire ; ce qui fait que leur place , dans un pays où tout
est vénal, est très-lucrative, indépendamment des apanages qu’ils
ont. Celui de Romélie nomme les cadis de la Turquie européène,
et celui de Natolie nomme ceux de l’Asie et de l’Egypte.
Après eux vient le stambol-éfendi, molla ou juge de la capitale.
C’est lui qui prend plus particulièrement connaissance de toutes
les affaires, de tous les procès qui interviennent parmi les personnes
qui exercent les différens arts et métiers. H se rend aussi le mercredi
de chaque semaine chez le visir, pour juger, avec les mollas de
Galata, de Scutari et d’Éyoup (1 ), toutes'les affaires qui s’y présentent.
Il a plusieurs tribunaux dans divers quartiers de Constantinople,
où il place un naïb ou lieutenant, pour juger sans appel
comme lui.
Le stambol-éfendi a l ’inspection générale des grains et autres
denrées qui arrivent pour l’approvisionnement de la ville. Tous
les bâtimens chargés de grains sont obligés d’aborder à l’échelle de
l ’entrepôt-général de la farine , oun-capan, où un naïb en fait la
vérification, en fixe les prix et en fait la distribution aux boulangers
: il tient registre de la quantité de grains qui arrive, de celle
qui est distribuée, et du prix auquel il est livré. Il y a pareillement
un naïb à l ’entrepôt de la graisse, yac-ca pa n, pour la distribution
du suif aux corporations. Le stambol-éfendi doit se porter de
tems en tems dans les divers quartiers de la ville , pour examiner
les comestibles que l ’on vend en détail, et pour vérifier si les
poids sont justes partout. Il punit sur le champ de la bastonnade
ceux qui sont trouvés avec de faux poids ou avec des marchandises
altérées, et quelquefois il les fait clouer par une oreille contre la
(0 Éyoup est un des faubourgs de Constantinople,