mêmes rues, s’assemblent autour des boucheries et des lieux où
ils trouvent de la pâture , et s’ils aperçoivent le chien d’un autre
quartier, ils tombent sur lui et le renvoient à coups de dents. Mal
nourris' comme ils le sont, ils craignent sans doute de partager un
mince rëpas'avec un nouveau-venu. S’il arrive que quelqu’un d’eux
soit chassé de sa troupe, il est ordinairement obligé de sortir de la
ville et d’errer dans les champs, â moins qu’il ne soit assez fort pour
disputer avec opiniâtreté une place de rebut, ou assez patient pour
souffrir pendant long - tems les coups de dents et la mauvaise
humeur de ceux auxquels il desire de s’associer.
Les vautours , les milans et la plupart des oiseaux de nuit se
mêlent aux chiens pour nétoyer la ville de ses immondices : les
premiers (1): arrivent au printems, passent l ’été sur les minarets ,
les mosquées et autres lieux éle vés, y font leur ponte, et ^tournent
avant l’hiver dans les contrées plus méridionales, telles que l’Égypte,
l ’A rabie, l ’intérieur de l’A frique. Pendant la chaleur du jour , ils
s’élèvent à m e hauteur considérable , volent plusieurs heures de
suite au dessus de la ville, et la nuit ils viennent prendre leur part
des charognes qu’ils ont aperçues.
Le m ilan, le grand, le moyen et le petit duc, le hibou, le chat-
huant, l’effraie, font la guerre aux rats, aux souris, extrêmement
abondans dans une ville bâtie en b o is , où les habitans sont peu
soigneux, où les chats sont rares et souvent dangereux, en ce qu’ils
peuvent transmettre la peste d’une maison à l ’autre, dans la saison
de leurs amours.
Quant aux ordures, les habitans de Constantinople ne se donnent
pas ordinairement la peine de les faire eidever, parce qu’ils comptent
■à cet égard sur la pluie. Ce moyen est presque toujours suffisant
en automne, en hiver et au printems, attendu que la ville offre
partout une pente assez grande pour que les eaux les emportent et
les charient avec elles ; et lorsque ce moyen ne suffit pas , ils viennent
les jeter dans le port ; ce qui forme, en divers endroits du rivage,
des amoncellemens considérables.
(0 Vultur pernopterus.
CHAPITRE
C H A P I T R E X V.
De la peste. Indications curatives de cette maladie•
L o r s q u ’i l n’existe, auprès d’une ville, ni marécages ni autres
foyers d’infection; lorsque l ’air se renouvelle sans cesse avec
facilité, et emporte les miasmes putrides qui résultent d’une grande
population ; lorsque les eaux sont pures et les alimens d’une bonne
qualité ; lorsqu’en un mot le climat est tempéré , les habitans
jouissent en général d’une bonne santé, et ne sont exposés qu’aux
maux ordinaires de l ’humanité. Tous ces avantages se trouvent
réunis à Constantinople, au point que. nous ne balancerions pas
de dire que cette ville serait une des plus saines du Monde si une
maladie; terrible n’y exerçait de fréquens ravages, et n’enlevait de
tems en tems une partie des habitans. En effet, si nous en exceptons
la peste, dont la cause paraît étrangère au climat, comme nous
l ’observerons bientôt, on n’est point exposé à Constantinople, à
des maladies locales, et les étrangers qui arrivent dans cette .ville,
n’ont point à redouter la maligne influence d’un climat dangereux
et mal-sain. Mais la peste seule enlève beaucoup plus d’habitans
que toutes les maladies ensemble n’en font périr, plus que la
guerre et la navigation n’en font disparaître; et si cette ville ne
réparait sans cesse, de tous les points de l’Empire, les pertes
qu’elle fait, elle ne;serait bientôt qu’une vaste solitude.
Avec leurs idées de fatalisme , les 'Turcs , persuadés que l ’homtne
ne peut changer les décrets immuables de l’Éternel , regardent
non-seulement comme inutiles ; mais comme criminelles les précautions
que prennent les Européens contre ce fléau destructeur,
et lorsque la mort les frappe de tous les côtés, ils montrent une
grande tranquillité et une entière résignation. Aucun : d’eux, na
paraît avoir de la répugnance- à soigner les malades qui lui sont
chers ; il ne pourrait pas non plus se résoudre à les abandonner
ou les liv r e r , comme font, les Européens dans la plupart des
S