Le Rhodius prend sa source au nord-est du mont Ida : il reçoit
quelques ruisseaux qui coulent des montagnes voisines, et après
avoir parcouru un espaçe de douze à quinze milles, il vient se jeter
dans PHellespont, à côté du château des Dardanelles. Ses eaux,
peu abondantes en é té , sont retenues et employées à l’arrosement
des terres ; mais en hiver, grossi par les pluies qui sont fréquentes
dans cette saison, il occupe un lit assez grand pour mériter le nom
de rivière. Les habitans des Dardanelles ont construit un pont de
bois à quelque distance de son embouchure, afin de pouvoir se
transporter en tout tems sur la rive gauche, et se rendre dans les
champs qu’ils cultivent au-delà.
Derrière le cliateau, entre la ville et la rivière, on trouve une
promen ade assez etendue, naturellement gazonée et ombragée par
de très-grands platanes. Quoique ce lieu soit très-frais et très-
agréable, il n’est presque pas fréquenté par les habitans de la ville ;
on n y rencontre que des Européens que le commerce et la curiosité
amènent dans ces contrées.
A trois milles des Dardanelles, en remontant vers le nord, on
trouve sur un terrain en plaine, de forme triangulaire, quelques
vestiges de l’ancienne Abydos. Le sol ,est élevé et couvert de tas
de décombres, parmi lesquels on distingue des briques, des frag-
mens de poterie, des morceaux de granit et de marbre de toute
espèce. On aperçoit quelques massifs informes de maçonnerie le
long du mouillage situe au sud-ouest : on voit sur le côteau voisin
un chemin profondément creusé, par où les habitans d’Abydos se
rendaient dans une plaine fertile qui se trouve à l’est. La ville
Occupait la partie méridionale du terrain triangulaire dont je viens
de parler, et s etendait sur la partie du- côteau qui fait face au
canal.
D n’y a pas sur les rives de l ’Hellespont,-de position plus agréable
et plus avantageuse que celle-là pour une ville ; car indépendamment
de la vue de tout le canal, de ses deux rives et même de
Ténédos (x), outre les moyens qu’il y aurait de la fortifier, étant
(i) Le terrain peu élevé de la Troade permet ¿’apercevoir Pile de Ténédos.
entourée de la mer et d’une colline isolée, le mouillage est sans
contredit le plus grand et le plus sûr de l’Hellespont ; et si les
Turcs Voulaient réellement défendre l ’entrée de la Propontide aux
flottes ennemies, il n’y aurait pas d’endroit plus propre pour établir
une batterie, que la pointe de Nagara ; car les vaisseaux s’approchent
toujours malgré eux de cette pointe, à cause de l’angle
saillant que le terrain fait à cet endroit. D’ailleurs, cette partie du
canal est à peu près aussi étroite que celle des seconds châteaux.
A deux lieues au sud-est d’Abydos, on voit le Silléis, faible
ruisseau dont on ne parlerait plus s’il n’indiquait la position d’A -
risba, près de laquelle l’armée d’Alexandre campa, tandis que ce
conquérant était occupé à visiter les ruines de Troye.
Les géographes ne sont pas d’accord sur la position de l’ancienne
Dardanus : les uns la placent sur le cap Trapèze, et d’autres au pied
du mont Ida. Je n’ai trouvé aux environs de ce cap, vulgairement
nommé Pointe des B arbiers,' aucun vestige, aucune trace de ville j
je n’ai aperçu ni décombres , ni briques , ni amoncellemens de
pierres. Le terrain même, inégal, montagneux, peu fertile, privé
d’eau, paraît peu propre à la position d’une ville' Un peu considérable.
Je soupçonne avec les derniers, qu’elle était dans l’intérieur
des terres ; car dans les tems que l’on ne pouvait apprécier tous les
avantages d’un commerce maritime, et que l’on s’éloignait même
quelquefois du rivage de la m e r , afin d’être moins exposé aux
incursions des pirates, on devait préférer les positions qui mettaient
les habitans à portée des champs qu’ils cultivaient et dont ils retiraient
toutes leurs richesses.
Au-delà du cap, la côte est blanche et crayeuse; ce qui lui a
fait donner par les marins, le nom de Taches blanches: c’est là que
mouillent ordinairement les navires qui attendent un vont favorable
pour remonter l’Hellespont.
Nous n’ayons pas été plus heureux dans la recherche d’ Ophry-
niurn, que l ’on place entre Dardanus et Rhoetium : quant à celle-ci,
il paraît qu’elle était située entre le promontoire de ce nom et le
tombeau d’A ja x , à en juger par les fragmens de poterie et de briques
qu’on y trouve ; car on sait que rien n’indique d’une manière plus-
G g a