farci avec de la viande et du lard hâchés, avec des pignons, des
raisins secs et du riz : on apporta ensuite un pilau fait avec une
poule très-grasse, puis du miel, des confitures au cédrat et les
fruits de la veille. On nous donna un vin blanc délicieux et de
l ’excellent café. Nous aurions volontiers passé quelques mois avec
ces bons religieux , si nous n’avions eu d’autres pays à voir ,
d’autres contrées à parcourir. Nous prîmes congé d’eux lorsque
nous eûmes visité leur église, et laissé dans le bassin de quoi
nous acquitter des politesses que nous avions reçues.
11 fallut plus de trois heures pour nous rendre à la ville où. nous
voulions coucher, tant pour observer les grottes alumineuses des
environs , que pour nous rendre au volcan de Calamo , dont
aucun voyageur, je crois, n’a fait mention. Nous passâmes cette
n u it , ainsi que la suivante , dans une chambre spacieuse, où
nous fîmes évaporer peu à peu sur des cendres chaudes, du. très-
bon vinaigre que nous avions pris au monastère de Sainte-Marine.
Cette précaution nous a toujours réussi , lorsque nous avons été
obligés de faire quelque séjour dans les contrées marécageuses et
mal-saines. Si nous ne l ’avions pas négligée au moment que nous
étions prêts à revoir notre patrie, la mort peut-être ne nous aurait
pas surpris; je ne regretterais peut-être pas, dans ce moment,
mon compagnon de voyage et le meilleur de mes amis.
Le 3o messidor , nous nous rendîmes à la montagne de Calamo,
située au sud-sud-ouest de la ville. Elle n’est pas bien élevée, et
l’on y va par un chemin moins scabreux que celui de la veille.
Quand on a quitté la plaine, on trouve des terres incultes, volcaniques
, mêlées de fragmens de pierre-ponce : elles paraissent avoir
été abandonnées depuis peu, à en juger par les maisons à moitié
détruites qu’on y rencontre, et les cuviers dégradés qui se trouvent
dans la plupart des champs. Cette course fut d’une heure et demie.
Avant d’arriver au sommet, nous fûmes avertis du voisinage de
quelqu’ouverture volcanique par l’odeur de soufre qui frappa
tout-à-coup notre odorat.
•Un peu au dessous de la sommité conique de cette montagne,
‘ on aperçoit un déchirement de cent pas d’étendue, qui s’est opéré
au milieu d’une roche de lave pesante, ferrugineuse : il est plat et
recouvert d’une croûte saline qui retentit sous les pieds, et dans
laquelle on enfonce quelquefois jusqu’à mi-jambe. On y voit
quelques crevasses d’où il sort une fumée très-fétide, et en quel-
qu*endroit que l’on creuse, la chaleur y est si forte, qu il serait
impossible d’y tenir la main à un pied de profondeur. Si on enlève
la croûte , on voit du soufre sublimé en belles aiguilles jaunes,
d’une si grande fragilité, qu’on ne peut les conserver.
Il s’élève aussi de la fumée des fentes des rochers voisins. A
quelques pas de là nous avons trouvé une autre bouche qui nous
présenta des boursouflures d’une matière blanche, dure , semblable
à la terre cimolée, plus ou moins chargée d’alun. Nous en vîmes
trois autres à peu de distance, présentant les mêmes matières :
bientôt nous fûmes entourés de fumeroles. Nous voyions autour
de nous diverses bouches d’où sortait une odeur tellement sulfureuse
et fétide, que nous pouvions à peine respirer. La chaleur
du sol se faisait vivement sentir : la terre retentissait à chaque pas :
nous nous enfonçâmes l ’un et l’autre au même instant, et nous
nous crûmes engloutis. Ni domestiques ni guides n avaient osé
nous suivre. Nous reconnûmes notre imprudence, et nous nous
empressâmes de nous éloigner.
Nous ne croyons pas avoir reconnu toutes les ouvertures par
où la fumée s’échappe ; mais nous nous sommes bien assurés que
la montagne est considérablement échauffée vers son sommet ;
que cette chaleur, brûlante à certains endroits , est très-modérée
dans quelques autres, et qu’elle est en général plus sensible partout
où il y a quelqu’écartement ou quelque fente un peu grande.
Une particularité que nous remarquâmes, c’est què le sommet de
la montagne présente une couche schisteuse d’environ une toise
d’épaisseur, qui n’a point encore éprouvé 1 action du feu.
Nous nous amusâmes à. gratter la terre eu plusieurs endroits,
et nous trouvâmes, -à- quelques pouces -de profondeur, une terre
blanche, chaude et humide que l ’on pétrit à volonté : elle est de
même nature que la terre, cimolée , et montre,. comme e l le , le