les harems et ces infortunés commis à leur garde, privés de la
faculté de se reproduire. La jalousie, souvent atroce, a fait punir
l ’adultère de mort ; et l ’oeil sévère du gouvernement a cru devoir
non-seulement s’opposer au libertinage en séparant les deux sexes,
mais encore en sévissant très-rigoureusement contre lés filles ou
femmes convaincues d’intrigues amoureuses. Cette sévérité à l’égard
des moeurs, cette séparation des deux sexes, et surtout la privation
totale de femmes pour un grand nombre d’individus, a introduit
en Orient l ’usage des garçons, usage réprouvé du philosophe, eh
horreur au législateur, d’une immoralité bien plus grande que le
commerce illégal des deux sexes, et dont il ne résulte d’ailleurs
aucun avantage pour la société.
Par une inconséquence digne de remarque, la lo i, qui rançonne
toujours , qui punit quelquefois de mort l’homme qui cède à.un
penchant naturel, qui obéit à la voix impérieuse de la nature,
tolère cependant et semble permettre un vice qui annonce la dépravation
totale des moeurs. Les Musulmans, très-austères d’ailleurs,
se livrent sans honte au goût qui les entraîne, et dont ils ont contracté
l’habitude dans leur première adolescence. Bién loin de
rougir de ce vice, ils en tirent vanité, et montrent àvec orgueil
l ’objet de leurs affections. Cette passion est. devenue si forte chez
e u x , qu’ils cherchent à la satisfaire par tons les moyens possibles,
et qu’ils emploient bien souvent là violence. On a vu entr’autres'à
Smyrne ; un matelot européen, âgé de plus de soixante ans, tué
et souillé par trois janissaires, sans qu’on ait pu obtenir leur juste
punition.
- Les filles'de joie ne sont ni permises ni tolérées : le gouvernement
sévit quelquefois contre celles qiii sont Musulmanes avec une'
extrême rigueur. Il n’est pas rare qu’on en saisisse quelques-unes
pendant la nu it, et qu’après les avoir enfermées dans un sac avec
des pierres, on aille les jeter vivantes dans la mer, vers la pointe
du sérail ; et cependant on rencontre souvent dans les rues de
Constantinople, de jeunes Grecs, vêtus d’une manière efféminée,
annonçant par leur maintien qu’ils sont prêts à se livrer à quiconque
voudra les payer.
Malgré les usages du p a y s , ces jeunes gens conservent leur chevelure
, en prennent le plus grand soin, la lavent tous les jours, la
parfument avec le miise, l’âmbre on l’essence de roses, et la parent
des fleurs de la saison. Un rouge artificiel colore leurs joues, un
noir d’ébène est placé sur les sourcils et les paupières, pour animer
leurs yeux et contraster avec la blancheur de leur teint. A tous les
agrémens naturels du corps, ils joignent ordinairement ceux de
l ’esprit, et souvent ils empruntent lés charmes de la musique et de
la danse.
Quoique la loi permette aux Musulmans d’avoir quatre épouses ,
peu d’entr’eux cependant en ont plus d’une, parce qu’elles entraînent
à des dépenses considérables ; parce que, renfermées dans
le même harem, elles ne peuvent vivre d’accord ensemble : elles
inquiètent le mari de leurs plaintes, ou le tracassent dé leurs prétentions.
D ’ailleurs, la plupart dés femmes, eii se mariant, exigent
une obligation du mari, de ne point en épouser: d’autres de- leur
vivant ou tant que le divorce ne les, aura pas séparés. Mais elles
ne peuvent empêcher qu’il achète des esclaves .blanches et noires ,
suivant son goût et ses facultés ; et pourvu, qu’il couche avec son
épouse une fois la semaine, suivant l’obligation que Mahomet en
a faite à tout Musulman encore jeune et bien portant ; pourvu qu’il
lui fournisse de quoi se vêtir erse nourrir suivant son état , et aller
au bain lorsqu’elle a été souillée par lui ou par les incommodités
naturelles à son sexe, elle ne peut demander le divorce. Mais ce
qui est peut-être plus douloureux, elle n’est point fondée non plus,
à se plaindre de ce que le mari est souvent parcimonieux d’un
plaisir qu’elle réclame, et dont il est prodigue à l’égard' de quel-
qu’esclâve ! géorgien on circassien.
- Mais s’il voulait exiger de son épouse. les mêmes complaisances
qu’il est accoutumé d ’obtenir de ses esclaves mâles, elle est autorisée
à se présenter devant le cadi, pour lui demander, la punition
du mari ét même le divorce ; ce que le juge accorde si elle est
appuyée de ses parens, et si d’ailleurs la réputation du mari donne
à -la plainte un air de vérité ; et afin d’épargner à cette femme la
honte d’articuler un pareil fait en présence de tout le tribunal,