vivement sentir. J’ai vu le 7 , le 8 et le 9 fructidor le thermomètre
de Réaumur s’élever jusqu’à 27 degrés, tandis qu’il n’est ordi-,
nairement, pendant la plus forte chaleur du jou r , qu’à 23. et 24.
L ’automne est ordinairement très-beau : il pleut pendant quelques
jours et à plusieurs reprises, avant et après l’équinoxe, après
quoi le tems est beau , le ciel est pur et serein pendant quinze
jours, un mois et même davantage , et les froids ne commencent
à se faire sentir qu’en nivôse. Tott a observé que le vent de sud,
au commencement de l’automne, était un peu froid ,' parce qu’il
passait sur la neige du mont Olympe. Nous avons fait la même
remarque, et nous avons vu qu’en hiver même ce vent était constamment
plus froid le premier jour qu’il soufflait, que le.second,
et le troisième ; mais pour l’ordinaire ce vent passe au sud-sûd-
ouest, et suit la direction du golfe de Saros et de l’Hellespont. Il
est connu par les Grecs modernes, sous le nom de Lodos ; il est
toujours plus-doux en hiver que celui de sud, et le ciel est toujours
plus serein et plus pur.
Il n’est pas rare que le vent souffle de la partie du nord sur le
Bosphore et la Propontide, tandis qu’il souffle de la partie du sud
sïur l’ArcMpel et l ’Hellespont. Nous en avons été souvent témoins:
pendant le séjour que nous avons fait aux Dardanelles ; et lorsque,
nous sommes revenus de l’JÊgypte en messidor an 3 , le vent de
sud-ouest nous fit dépasser trois fois la pointe de Nagara, et trois
fois nous trouvâmes au-delà le vent de nord qui nous empêcha
d’avancer, et qui nous obligea de revenir au mouillage. Nous
eûmes beaucoup de peine la troisième fois d’atteindre une anse, à.
une demi-lieue d’un village nommé Galata , où nous restâmes,
pendant trois jours.
C ’est dans la partie de l’Hellespont comprise entre la pointe de
Nagara et Gallipoli, que le vent de su d , d’un côté , et celui de
n o rd , de l’autre, viennent quelquefois se rencontrer et cesser de
souffler : il n’y a pas un marin qui n’ait dû faire cette remarque ,
et n’ait vu plusieurs fois, en hive r, le ciel brumeux ou orageux
du côté de la Me r-N o ire , tandis qu’il est serein du côté de l’A r chipel.
.
A
A la fin de nivôse et en pluviôse le vent de nord se fait quelquefois
sentir sur la Propontide et sur l’A rchipel, avec une telle violence,
que les navires qui sont en mer , courent les plus grands
dangers s’ils n’arrivent sur le champ et 11e gagnent un port. Nous
avons appris que plusieurs navires européens, partis avec un beau
tems de Constantinople en nivôse , l’année avant notre arrivée au
Levant, avaient péri dans la mer de Marmara et à l’entrée du canal
des Dardanelles , par un tems brumeux et un vent de nord subit
et violent accompagné de neige et de pluie. Pendant les trois mois
d’hiver et à l ’équinoxe du printems , les navigateurs prudens et
timides ne mettent point à la voile si le tems n’est pas sûr , et ils
vont ordinairement passer la nuit dans un mouillage, au moindre
signe équivoque qu’ils aperçoivent. Les mariniers turcs et grecs ne
manquent presque jamais pendant les six mois les plus dangereux
de 1’ année, d’aller tous les soirs dans un po rt, et d’aller mouiller
toutes les fois que le vent est trop fort, lorsqu’il est contraire ou
lorsque le ciel menace d’un orage.
La Me r-N o ire, au rapport des marins qui la fréquentent, est
encore plus orageuse pendant l’hiver , que la Propontide et l’A r chipel
: le ciel y est souvent brumeux ou couvert de nuages , et
les ports y sont peu nombreux ; ce qui fait que les Orientaux, qui
naviguent presque tous sans boussole, n’osent s’y exposer pendant
trois ou quatre mois de l’année , et que les plus audacieux et les
moins ignorans parmi eux y périssent quelquefois , parce que ,
accoutumés à ne pas perdre la terre de vu e , les vents, de n ord , de
nord-est ou de nord-ouest, qui soufflent ordinairement avec la plus
grande force, brisent leurs navires (1) sur les rochers qui bordent
la côte méridionale. Pendant l ’é té , cette mer est aussi peu orageuse
que la Méditerranée, et le tems y est ordinairement très-
beau.
Malgré la facilité qu’il y aurait à Constantinople de se procurer
(1) Ces navires ; nommés saïques , sont construits de manière à ne. pouvoir tenir
la mer lorsque le vent est trop fort. Ils éont obligés de présenter la poupe au vent »
et de gagner un port*
R