•ceux des antres-légations nous .étaient interdits ; presque tous les
drogmans avaient émigré ; les moines et les prêtres du pays peignaient
la France sous les couleurs les plus dégoûtantes ; les femmes
grecques , qui ne négligeaient auparavant aucun moyen de plaire
aux Français et de recevoir leurs hommages, n’osaient plus se
livrer à eu x , pauce qu’ils étaient des réprouvés dont la fréquentation
devait être interdite, dont il fallait même redouter l’approche.
Il est vrai que le triomphe des prêtres a été bien court, et que nos
succès en Europe, en démentant les impostures grossières qu’on,
se plaisait à répandre sur le compte'de tous les Français, nous ont
présenté sous un jour plus favorable et plus vrai. La contrainte des
femmes n’a pas duré, e t , à notre retour de la Perse, le séjour
de Constantinople était infiniment plus agréable qu’à notre départ.
La présence d’nn agent français près la Porte othomane pouvait
contrarier les projets et déranger les mesures hostiles qu’une
grande partie des gouvernemenseuropéens venait de prendre contre
la France. Il était important d’empêcher que la Porte ne reconnût
la République française et n’admît son ambassadeur : il fallait faire
p lu s , l ’entraîner, s’il était possible, dans la coalition formée à
•Pilnitz, et détruire, à tout événement, le commerce des Français
-dans le Levant. Lé citoyen Descorches , envoyé extraordinaire de
la République , arrêté quelque tems à T rawnik, n’obtint la permission
de venir à Gonstantinople que comme simple particulier.
Il arriva vingt jours après nous, sous un nom emprunté, et sous
le titre modeste de négociant. Il ne logea point au palais de France,
et n’obtint de la Porte aucun caractère public. Nos relations politiques
et commerciales avec ce gouvernement continuèrent d’avoir
lieu par l’intermède des députés que lés négocians élisent annuellement
pour les affaires relatives à leur commerce.
Il paraît qu’à cette époque la Porte, fidèle à ses principes, né voulait
point prendre part à ce qui se passait en Europe, et qu’elle,
n ’était pas fâchée que les chrétiens , qu’elle hait et qu’elle méprise,
se fissent la guerre entr’eux ; elle temporisait, selon sa coutume , et
attendait les événemens. Le peuple voyait avec plaisir la guerre
engagée entre la France , l’Allemagne et la Russie ; il espérait
reprendre, par ce moyen, la Crimée sur les Russes , et se venger
par-là de ses défaites. On s’apercevait dans toutes les Echelles, que
si 'le gouvernement ne protégeait plus les Français avec la même
chaleur, le peuple, de son, côté, était plus affectueux à leur égàrd.
Cependant on annonçait avec emphase une ambassade extraordinaire
de la part de la Russie. Déjà les Grecs de Péra supputaient
les profits immenses qu’ils allaient faire. Les femmes galantes devaient
trouver des amoureux qui les dédommageraient de la privation
des Français : chaque demoiselle së proposait , pour son
compte, d’y trouver un mari ; lés papas (1) y voyaient de nouveaux
pénitens : les maisons étaient louées et meublées d’avance : les plus-
belles robes, les plus beaux atours sortaient de l’armoire pour être
réparés. On se complimentait, en; se voyant , sur cette grande ambassade
: on faisait des voeux pour sa prompte et heureuse arrivée j
tous étaient dans la plus vive impatience.
Nous étions logés y, ainsi que plusieurs autres étrangers , chez un
traiteur français dont la femme était grecque. C’était un sot et un
ivrogne. Entraîné par cette femme, aussi folle que méchante , il
passa; sous la protection de Russie, nous signifia de quitter notre
cocarde tricolore ou de sortir de son auberge. Tels so n t, ajouta
t-il., les ordres que j’ai reçus de mon nouvel ambassadeur. Nous
fîmes quelques tentatives pour ramener un homme entraîné malgré
lui dans une démarche peu réfléchie. Nous lui observâmes qu’il
renvoyait à la fois dix à. douze personnes qui occupaient ses loge-
mens, qui faisaient aller sa cuisine et lui donnaient un profit considérable
: tout fut inutile. Les Russes , nous dit dédaigneusement
la femme , sauront bien nous indemniser de cette perte. Nous- sortîmes
sur le champ, et nous fûmes occuper le logement des Jeunes-*
de-Langue (à ), qui se ¡trouvait vacan t par leur désertion.
Après > s’être* fliit attendre long*-teins , l’ambassade’ arriva : elle
était nombreuse et brillante. Le délire des Grecs était complot, et
se prolongea; pendant quelques jours ; mais ils n e tardèrent pas de
s’apercevoir qu’ils s’étaient fait illusion; : ils reconnurent bientôt
<j.), Prêtres grecs.- (a) Elèves, drogmfms*
B a